Héro Echo, la plume dans la plaie

Cyberharcelée il y a deux ans pour avoir signé une chanson féministe, Héro Echo a depuis acquis une petite notoriété dans le milieu du rap féminin francophone. A 38 ans, la rappeuse poitevine tente aujourd’hui de percer pour vivre de son art.

Steve Henot

Le7.info

Elle clôt le chapitre. Deux ans après les premières injures et menaces la visant, Héro Echo répond enfin aux attaques avec Imbaisable, nouveau clip au titre explicite qu’elle a mis en ligne la semaine dernière. Sans vague de haine, cette fois. « Cette insulte revenait souvent dans les commentaires, sous mon précédent clip, raconte Lucie, de son vrai prénom. C’est une réaction à ce qu’il m’est arrivée, je me suis dit que ça ferait un bon titre de morceau ! »

En 2020, la Poitevine s’est attiré les foudres d’internautes masculins à cause d’Amazones, chanson féministe écrite pour dénoncer la misogynie de certains rappeurs. Elle n’avait pas imaginé des réactions aussi vives, qui sont allées jusqu’à inquiéter des proches et amis. « Cela a été pénible à vivre, confie d’abord la rappeuse de 38 ans. Mais avec le recul, le bad buzz est positif. Ils ont voulu m’emmerder, ils ont fait ma publicité. » La polémique est venue aux oreilles de médias influents tels que Konbini ou Madame Rap, qui s’en sont fait l’écho. Le morceau a, lui, continué à tourner, à être partagé sur la toile. Lors d’un récent concert en Bretagne avec son groupe Les Chiennes Hi-Fi, Lucie a été surprise de voir la foule l’accompagner avec ferveur sur Amazones. « J’ai halluciné, se souvient-elle. Le son avait trouvé son public. J’ai réalisé que 50 000 vues, c’était réellement 50 000 personnes. »

En quête d’un label et d’un tourneur

Malgré l’aura dont jouit Amazones, Héro Echo ne revendique pas un rap féministe. « Dans mes autres sons, je parle aussi d’amour, de santé mentale. (…) Mon premier texte solo parlait du suicide d’un ami. J’ai besoin de sortir des trucs de ma vie personnelle, qui est forcément politique. C’est juste que la portée de ce titre a dépassé ce que je pouvais imaginer. » Titulaire d’un master de lettres, Lucie a toujours écrit, des poèmes, des pièces de théâtre… Et du rap, depuis dix ans. Une découverte sur le tard, qui a d’emblée relevé de l’évidence. « C’est une discipline super exigeante, explique-t-elle. Il faut aller droit au but, être tout de suite dans quelque chose de percutant. »

Il y a un an, la Poitevine a quitté son métier de correctrice pour se consacrer à 100% à la musique. Son troisième EP est prêt et n’attend plus qu’un label pour sortir. Après avoir longtemps eu « un trac maladif » seule sur scène, Héro Echo a enfin pris goût aux concerts cette année (une trentaine). Elle est désormais en quête d’un tourneur pour signer quelques dates en 2023. Un travail difficile, a fortiori dans le milieu du rap. « Il y a énormément de rappeuses aujourd’hui, mais j’ai le sentiment que ça coince toujours au niveau des moyens de production. Les meufs ont encore du mal à s’entourer, mais ça s’améliore. Il y a dix ans, c’était vraiment dur. Les collectifs refusaient que tu rentres ou étaient juste indifférents. » Portée par l’écho d’Amazones, Lucie est déterminée à tenter son « pari sur l’avenir » pour réaliser ce rêve d’enfance qui est de « vivre de [sa] plume ».

DR - Elisa Grosman

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