La survie, plus qu’un (en)jeu

En France, près de 
10 000 personnes participeraient chaque année à des stages de survie. Nouvelle tendance sur le marché des activités de loisirs ou expression d’une réelle angoisse de l’avenir ? Tentative de décryptage dans la Vienne.

Steve Henot

Le7.info

Au cas où. C’est par ces trois mots que Jérôme résume le survivalisme, son « art de vivre » 
depuis de nombreuses années. Coupures d’eau, d’électricité, incendie… Il l’assure, il est paré à toute éventualité. « Il y a vingt ans, on nous prenait pour des fous. Aujourd’hui, on nous parle de la fin de l’abondance… Je préférais quand ce n’était qu’un fantasme », observe cet employé aux espaces verts de 
49 ans, qui réside à Sanxay.


L’ancien militaire confie se poser « pas mal de questions » sur le dérèglement climatique et la guerre mais réfute toute angoisse du monde pour justifier sa « préparation ». Il est devenu survivaliste au gré d’une enfance à la campagne, où on lui a appris à comprendre et à apprivoiser la nature. Construire un abri en forêt, faire du feu avec des branches… « C’est revenir aux sources, réveiller tous ces petits principes ancrés au fond de nous et qu’il faut se réapproprier pour ne pas être dépendant, explique-t-il. La pandémie a été un déclic pour beaucoup de gens. »


Vers une régulation 
des stages

En France, près de 10 000 personnes participeraient chaque année à des stages de survie, certains ayant lieu dans la Vienne. Gérante de Panter création, l’une des premières sociétés à s’être lancée dans ce domaine, Nadia Tribaudeau observe un engouement certain pour l’activité « depuis cinq-six ans ». « La survie a été popularisée par de nombreuses émissions comme Koh-Lanta. » Le Poitevin Maxime Berthon, formateur à Panter création et ancien candidat de Koh-Lanta, confirme : 
« Les stages ne désemplissent pas. » Il accompagne de plus en plus d’urbains, plutôt « désireux de se reconnecter avec la nature » 
que soucieux de se préparer au pire. « On leur apprend à s’orienter sans boussole, à identifier les ressources naturelles, à cuisiner avec le minimum, énumère l’aventurier. On n’est pas sur des bootcamps (séances d’entraînement extrêmes), des trucs paramilitaires... » 


Un récent rapport ministériel sur la régulation des stages de survie distingue une activité qui relève de la sphère des loisirs d’une adhésion idéologique au survivalisme, mot encore connoté négativement en raison de dérives sociétales ou sectaires. C’est d’ailleurs pourquoi la Fédération des organismes de survivologie a retenu le terme de survivologie et appelé de ses vœux l’Etat à définir un cadre réglementaire à la pratique (syndicat, carte professionnelle, etc.). Pour ne plus revivre le décès d’un participant(*). « Aujourd’hui, n’importe qui peut proposer des stages, ça nécessite d’être encadré », plaide Maxime Berthon.


« Des savoirs 
qui reviennent »

S’il est conscient que « le mot fait toujours peur », Jérôme continue de se définir comme survivaliste. Sur sa page Facebook « Survivaliste 86 », il s’évertue à ne pas promouvoir « l’idéologie du bunker », mettant plutôt en avant comment devenir autosuffisant en eau, en énergie, en alimentation… Une réponse aux enjeux environnementaux. « Dans certains stages, il y a de la permaculture, précise Maxime Berthon. Ce sont des savoirs qui reviennent. » 
Le phénomène n’a pas échappé à la Ville de Poitiers qui a entamé des discussions avec le formateur en… survivologie pour proposer, à partir de l’été 2023, des stages non pas de survie mais de « débrouillardise » pour les plus petits. Pour une approche ludique de la nature.


(*)Un jeune Parisien est décédé le 11 août 2020 après avoir ingéré une plante toxique lors d’un stage dans le Morbihan.

DR - Panter créations

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