Didier Bichard, haut en couleur

Didier Bichard. 55 ans. Directeur commercial et marketing de la société poitevine e-Qual. A passé trois ans en Afrique, l’expérience d’une vie. Né dans une vallée auvergnate enclavée et père de famille. Signe particulier : préparateur mental pendant deux saisons auprès du Stade Toulousain rugby.

Arnault Varanne

Le7.info

Moi : « Il paraît que vous êtes un personnage ? » Lui : « Je ne sais pas ! Disons que j’ai un parcours pas comme les autres... » Moi : « Quel rapport au temps avez-vous ? » Lui : « Je considère que tout dans ma vie n’est qu’un prétexte à mieux me connaître. Chaque jour qui passe, je suis une meilleure version de moi-même que la veille. » Ainsi s’exprime Didier Bichard, la voix claire et enjouée, lunettes vissées sur la tête et chemise légèrement déboutonnée façon décontractée. Depuis septembre, le quinquagénaire occupe le poste de directeur commercial et marketing d’e-Qual, une PME (45 salariés) de Chasseneuil-du-Poitou dédiée au déploiement d’infrastructures télécoms. 

Et ? Et le cadre supérieur n’avait jamais posé les pieds dans la Vienne avant de s’y installer avec son épouse et leur fils de 13 ans. Il revient de trois ans en Afrique -« une expérience de vie extraordinaire »-, où il a collaboré avec la présidence de la République sénégalaise, le gouvernement du Mali et le Quai d’Orsay « sur des sujets numériques d’intérêts nationaux. Au Mali, je servais d’intermédiaire entre des entreprises françaises et le gouvernement à propos de questions de Défense, la data étant le point commun ». La Covid-19 et le coup d’Etat à Bamako ont eu raison de la soif de découverte de la famille. « Au retour, on a pris la décision de ne pas retourner dans une métropole... » D’où son arrivée dans la Vienne, où il perçoit « un grand potentiel de développement du territoire ». 

Du droit à l’informatique

Le natif d’Ambert -célèbre pour sa fourme- a très tôt eu la conviction qu’il ne ferait pas sa vie dans « une vallée enclavée » du Puy-de-Dôme. Alors le fils de mécanicien tourneur et de mère au foyer a goûté à la fac de droit « sans trop de succès », puis s’est dirigé vers l’informatique. « Chez Capgemini, on m’a dit que j’avais un bon relationnel... même si je n’étais pas très doué comme analyste développeur. On m’a mis dans le management. » Après Lyon, place ensuite à une autre aventure chez T-Systems, à Toulouse, où Didier Bichard a piloté les contrats d’infogérance d’Airbus, avant une nouvelle parenthèse au sein de CGI, une multinationale américaine. Dit comme ça, le parcours de l’Auvergnat ressemble davantage à une belle ascension professionnelle qu’à un chemin de traverse. 

« Je ne savais pas trop où j’allais mais je suis super content d’où je suis arrivé... »

Pourtant, le sport lui a permis d’emprunter ce fameux itinéraire bis, où la tête fonctionne de facto avec les jambes. L’aviron a constitué sa première échappatoire. « J’ai été un athlète de haut niveau du bas ! Mais ça m’a emmené très loin après. Je suis devenu préparateur mental. J’ai eu la chance d’accompagner des athlètes de haut niveau. » Didier Bichard s’est glissé dans les habits de directeur sportif du club d’aviron d’Aix-les-Bains, a collaboré un temps avec le vététiste Jean-Christophe Péraud (2e du Tour de France 2014)... avant de vivre « [s]a plus belle mission » auprès du Stade Toulousain. A l’époque, les Rouge et Noir sont en reconstruction et Romain Ntamack n’est qu’une jeune pousse prometteuse, « un acharné de travail ». Son fils Léandre ramasse les ballons du futur international derrière les poteaux. « Une chance, même si les six premiers mois ont été compliqués et qu’on n’a pas gagné de Bouclier de Brennus. Et puis j’ai été un micro-élément ». Engagement, motivation, clarté, courage et plaisir. Son mantra tient en cinq mots. Pas un de plus. 

« Il n’y a rien de plus compliqué que d’être parent »

« Chance », le mot revient à intervalles réguliers dans sa bouche. Lorsqu’il regarde dans le rétro, Didier Bichard repense à l’enfant qu’il a été. « Je ne savais pas trop où j’allais mais je suis super content d’où je suis arrivé... » Bien sûr qu’il a essuyé des échecs, à commencer par « l’éducation de ses trois filles » de 30, 27 et 24 anstrop absorbé par ses activités professionnelles. « Et on ne rattrape pas le temps qu’on n’a pas passé avec ses enfants, à leur montrer qu’on les aime. Il n’y a rien de plus compliqué que d’être parent. » Le reste, au fond, lui semble accessoire, même s’il ne minimise pas l’atmosphère de fin du monde (guerre en Ukraine, crise climatique, Covid...) dans lequel nous sommes plongés. « En Afrique, on vivait en couleur, malgré la corruption, la pauvreté... J’ai l’impression d’être revenu dans une France en noir et blanc. » 

Face au fatalisme ambiant, le cadre sup’ essaie d’imprimer sa patte faite d’optimisme, d’« enthousiasme et de courage ». Son livre de chevet s’appelle Surfer sa vie, de Laird Hamilton. Plus métaphorique, tu meurs ! On en revient au temps qui passe, à ces vagues qui portent ou qui tuent, selon de quel côté de la Méditerranée on se situe. Didier Bichard se sait « privilégié ». Il n’en reste pas moins un personnage haut en couleur et à la trajectoire singulière.

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