Hier
Yvon Goutx. 73 ans. Ancien pilote de chasse dans l’armée de l’Air. A terminé sa carrière comme général 2 étoiles. Se livre au sens propre comme au figuré sur ses tribulations dans tous les conflits du monde. Habite Montamisé et s’y sent bien. Signe particulier : bavard.
Ce fut un coup de foudre aussi rapide que durable. Lorsqu’il met le nez à la « fenêtre » de sa tente, à Luri, dans le Cap Corse, l’ado flashe sur « un triangle d’acier » qui déchire le ciel d’un bruit sourd. « C’est à ce moment-là que j’ai su que je voulais être pilote d’avion. » Nous sommes en 1965, Yvon Goutx a 16 ans et des rêves de grandeur plein la tête. Plus de cinq décennies après, dont trois à servir l’armée française, le titi parisien « du 13e arrondissement » regarde dans le rétro avec une gourmandise non feinte. Car le fils d’ouvrier et de secrétaire sténo-dactylo s’est forgé un destin que les admirateurs de Top Gun ne bouderaient pas. Il a d’ailleurs vu et plutôt apprécié le 2e opus avec Tom Cruise (Maverick), « malgré quelques incohérences ».
Droit de réserve
A la table des confessions, l’ancien pilote de chasse et général 2 étoiles se révèle intarissable. Normal me direz-vous puisqu’il a commis trois ouvrages épais sur sa trajectoire ascensionnelle. Le premier s’intitule Le ciel est mon désir, pilote de chasse pendant la Guerre froide, le deuxième L’envol du Qatar, regard d’un « chasseur » blanc au pays de l’or noir. Quant au troisième, Battements d’ailes et de cœur, il emprunte à l’auteur de larges pans de sa vie agrémentés d’un brin de fiction. Le fameux devoir de réserve auquel un militaire, même en retraite, ne peut se soustraire.
Depuis seize ans, c’est à Montamisé qu’Yvon Goutx s’est installé. Loin, au fond, du perpétuel tumulte de ses années d’active. Toul, Bordeaux, Saint-Dizier, Dijon, Tours, Cognac, Luxeuil-les-Bains, Salon-de-Provence, Strasbourg... Son tour de France des bases aériennes n’est rien à côté de ses 3 600 heures de vol en combat sur Fouga-Magister, T33, Mystère IV, Mirage 3, Jaguar 3 et Mirage F1CR. Le chef de patrouille a coordonné jusqu’à quarante-huit avions de la coalition internationale lors de la Guerre du Golfe, en 1991.
« En dix-huit ans de carrière opérationnelle, je ne me suis jamais éjecté », avance-t-il. L’ancien attaché de Défense au Qatar n’en tire pas une gloire personnelle car il a aussi « perdu de bons copains » au fil des années. En d’autres termes, il faut forcément, au-delà du talent et de la vigilance, un peu de chance pour traverser le ciel sans encombre. La peur, là-dedans ? « Pour faire ce métier, il faut l’évacuer, répond du tac au tac le soldat. Mais nous ne sommes pas des va-t-en-guerre. Bien sûr qu’on appréhende, mais une fois la mission commencée, on est dans sa bulle, concentré. »
A l’été 1972, lors d’un « banal » vol d’entraînement, le Poitevin s’est pourtant retrouvé à deux doigts de la catastrophe. L’un des pilotes qui le précédait a heurté une ligne à haute tension, lui a juste eu le temps d’entendre le verbe « cabrer » dans son casque. « Rétrospectivement, il m’a sauvé la vie ! » Les souvenirs sont intacts, comme figés dans le temps. Comme cette attaque d’un radar ennemi sur la base de Ouadi Doum en 1987, en territoire tchadien. Les militaires vont « là où le Président de la République le décide ».
Deux enfants et un cœur à réparer
La géopolitique, l’attaché de Défense de la France au Qatar y a goûté au plus près puisqu’un changement de régime est intervenu lors de ses trois années de mission, entre 1994 et 1997. « Je peux dire avec du recul que j’ai assisté à la naissance du Qatar tel qu’on le connaît aujourd’hui ! » Celui qui a terminé sa carrière dans l’état-major comme patron de la Géographie militaire des armées, après deux ans au service communication -le Sirpa- ne se lasse jamais de raconter la petite histoire dans la grande, la sienne dans la marche du monde. Il s’épanche aussi volontiers sur sa vie personnelle, là aussi à rebondissements. Si le ciel a été son royaume, la terre ferme l’a « vu » se marier deux fois, avoir deux enfants à vingt ans d’intervalle, dont l’un en situation de handicap, et aussi subir une opération du cœur. Au point qu’Yvon Goutx ne peut plus voler seul aujourd’hui, même sur un petit aéronef.
A défaut, le militaire remplit son agenda d’activités associatives en tout genre, notamment comme directeur de meetings aériens, comme celui de Mainfonds, en Charente, le 7 août. Il sera aussi jeudi au Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget, où sera inauguré un mémorial dédié aux aviateurs morts en mission depuis 1912. « Mes successeurs au poste de président sont tous les deux décédés... », soupire-t-il. Dans ce panthéon des héros figure au sein des registres un certain Jean-Louis Villain, mort pendant la guerre Algérie, auquel le minot vouait une vraie admiration. L’histoire est parfois facétieuse.
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