Aujourd'hui
Marion Ecalle. 43 ans. Dirigeante de l’entreprise Kiblos, à Chasseneuil. Promeut le spectacle vivant à travers la com’, notamment digitale. Persuadée des bienfaits de la culture pour tous et partout. A vécu une paire d’années entre l’Equateur et la Colombie. Signe particulier : une sensibilité à l’autre exacerbée.
Elle vit entre deux eaux. D’un côté ses doutes de cheffe d’entreprise dépendante du « désir » des autres, donc de ses clients. De l’autre « une grande motivation » pour réussir à persuader la terre entière que Kiblos peut apporter sa pierre à l’édifice. Marion Ecalle a relancé sa boîte en janvier 2021, à Chasseneuil, après trois ans de pause. Et elle goûte moyennement le fait de se sentir « plus crédible lorsqu’elle est accompagnée d’un homme. C’est horrible ! Parfois pesant même... Et puis j’ai l’impression d’être un fabricant de dentelles pour la haute couture. » Etre prestataire de services -production, diffusion et communication pour des compagnies, innovation numérique auprès des structures- dans le milieu culturel relève de la gageure. Et ça tombe bien, la Poitevine de 43 ans aime les défis. Elle se sert de son grand dessein comme d’une boussole au milieu du désert : « la diffusion de la culture pour tous et partout. »
Femme d’affaires et agent d’artiste
Une utopie ? Pas vraiment à ses yeux. Cette relation si charnelle entre une œuvre, des artistes et le public, elle l’a éprouvée à l’autre bout du monde, aux côtés d’une certaine Fanny Mikey, co-fondatrice du Festival ibéro-américain de Bogotá. La fille de psychologue et d’éducateur spécialisé a vu la Colombie « faire société » le temps d’un festival protéiforme, avec 50 000 personnes pour écouter la comédienne argentine annoncer le programme des réjouissances. « Le taux de criminalité à Bogotá est le plus faible de l’année pendant cette période. Ça veut dire quelque chose. » Elle qui se rêvait gamine en « femme d’affaires et agent d’artiste » a d’abord atterri en fac de psychologie, avant de « partir longtemps ». D’abord trois ans en Espagne pour une licence de coopération culturelle et linguistique. Puis en Equateur, où la jeune femme a travaillé successivement à l’Alliance française et au consulat de Belgique, comme responsable de projets. « Mais je n’ai pas vraiment accroché. Ce n’était pas mon milieu. La coopération, c’est un peu le nouveau mot pour dire colonisation... »
Alors Marion Ecalle s’est affranchie des carcans diplomatiques, mue par une « éducation tournée vers les autres, les arts et la communication non violente ». Et sa première expérience de festival s’est déroulée à Bogotá, au cœur du plus grand rassemblement mondial de spectacles, à l’époque. Avec une personnalité « hors du commun » pour muse. « Ça a été une révélation », abonde l’ancienne attachée de presse internationale, « enfin dans le concret ». Ses yeux pétillent à l’heure d’évoquer ce souvenir gravé dans sa mémoire. Le Festival ibéro-américain, une sorte de note bleue théâtrale. « Fanny Mikey est un peu mon maître, elle a changé ma manière de voir le monde ! » Au point de décider de rester à ses côtés, comme salariée cette fois. En avance sur son temps, l’actrice argentine a impressionné Marion Ecalle par sa capacité à « connaître le budget du festival au centime près » et les noms des 150 salariés et bénévoles « par cœur ». Femme d’affaires et artiste, on y revient...
« La plus belle région du monde »
La suite de sa carrière en Amérique du Sud s’est écrite presque sur un malentendu, d’une discussion informelle avec un journaliste d’El Universo. « Je l’avais côtoyé à Guayaquil, j’ai réussi à le faire venir sur le festival car un autre journaliste s’était désisté. Il a pu interviewer Fanny Mikey, son idole. » En retour, le plumitif en question lui a parlé d’un projet fou de construction d’un nouveau théâtre privé à Guayaquil. Pour 20M$... Au départ, Marion Ecalle n’a pas donné suite. Mais à la faveur de vacances en Equateur, elle s’est, un jour, « tapé » dans le fameux mécène en quête d’une directrice... sur le perron d’un autre théâtre, un soir de représentation. « On a déjeuné ensemble le lendemain. Et je lui ai demandé « c’est quoi le projet ? » Il m’a dit qu’il n’en avait pas. »
Après six mois consacrés à une étude, Marion Ecalle a décroché le rôle... euh le poste. « J’ai d’abord embauché trois personnes puis quarante-cinq trois mois après, avec 3M€ de budget à gérer. » L’expérience « hors du commun » aura duré quatre ans, avec ses jeunes jumelles au théâtre comme à la maison. Après quatorze ans d’expatriation, l’enfant de Champagné-Saint-Hilaire a pourtant choisi de revenir en France. « Mes filles allaient avoir dix ans et il était inimaginable qu’elles n’aient pas une éducation française... Au collège et au lycée, on a le club cinéma, on va au théâtre... Tout cela est inimaginable en Amérique du Sud. » La cheffe d’entreprise ne regrette pas son retour dans « la plus belle région du monde », en toute objectivité bien sûr les doutes du moment devraient vite se dissiper.
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