Victor Bergeon, suspendu à ses rêves

Victor Bergeon. 29 ans. Poitevin revendiqué. Cherche à vivre ses rêves depuis une tuberculose contractée pendant ses études. Sur sa liste, quatre défis extrêmes qu’il a mis en scène dans une série documentaire actuellement diffusée sur Canal+. A vécu des expériences professionnelles hétéroclites. Signe particulier : aspire à inventer « son » métier.

Steve Henot

Le7.info

Il ne s’attendait pas à recevoir autant de messages sur sa page Instagram, et encore moins à un tel flot de louanges. « Beaucoup de personnes m’ont dit « merci ». Je ne comprenais pas pourquoi, mais certaines m’ont dit que je leur avais redonné la pêche, de l’espoir et l’envie de vivre leurs rêves. » A 29 ans, Victor Bergeon est le héros de Voyage au bout de l’effort, une série documentaire qu’il a lui-même réalisée. Dans chacun des quatre épisodes -le second est diffusé ce jeudi soir sur Canal+- le Poitevin relève un défi fou : plonger sous la glace, sauter en parachute, survivre plusieurs jours en forêt et courir un Ironman. Toujours, en se préparant auprès d’aventuriers et de sportifs chevronnés. « C’est du dépassement de soi à l’état brut. J’avais quelque chose à me prouver », explique celui qui se présente avant tout comme un « sportif du dimanche ».

 

Sea, surf and sun

Sa « quête » de sensations fortes est surtout l’histoire d’une impérieuse résilience. Victor revient de loin, après une tuberculose contractée à l’âge de 21 ans. Le jeune homme mène alors la vie insouciante d’un étudiant en affaires internationales expatrié en Californie. Sea, surf and sun, en somme. « Les mois les plus cool de ma vie, comme je ne pouvais oser les rêver », raconte l’ancien basketteur de l’ASPTT et du Cep Poitiers. Vers la fin de son année universitaire, il est pris d’une toux qui ne le quitte pas pendant plusieurs jours, puis des semaines, jusqu’à cracher du sang. Inquiet, il consulte dans la foulée. « Sur la radio, je vois des cavités au niveau de mes poumons. Je crois halluciner. » Victor prend le premier avion pour la France, sans réfléchir. Les examens à la Polyclinique de Poitiers confirment les soupçons de tuberculose.

Neuf mois d’un lourd traitement antibiotique ont raison de la maladie. Mais Victor rechute un an plus tard, très sévèrement. « Je suis resté un mois à l’hôpital Bichat, à Paris. J’ai alors pris conscience que je pouvais mourir. » C’est là, sur son lit d’hôpital, qu’il griffonne une liste de défis à relever s’il venait à s’en tirer. « La maladie m’a mis un coup à l’ego. J’ai eu beaucoup de culpabilité à être tombé malade. L’idée était de pouvoir réaliser mes rêves et me reconnecter à mon corps, ce truc qu’il me fallait chérir et apprendre à connaître. »

Guéri, Victor s’est depuis refait une santé, sculptant un corps « fort et vivant » à la salle. Il a aussi eu le temps d’embrasser plusieurs carrières. Diplôme de journalisme en poche, il décroche un contrat de reporter photo à Ouest France mais ne s’épanouit pas autant qu’il l’espérait. « J’ai réalisé que j’aspirais plutôt à un journalisme gonzo, qui me permette de vivre les choses de l’intérieur, au contact des gens et avec un regard subjectif, comme si je m’adressais à des potes. » En attendant, il enchaîne les petits boulots « pour gratter un peu de sous » : prof particulier de philosophie, serveur, vidéaste, réceptionniste en hôtellerie… Tout en plantant « des graines absurdes ». Alors parti photographier le hall d’un immeuble parisien, Victor tombe par hasard sur le casting de Chambre 212, un film de Christophe Honoré. Il tente sa chance pour un rôle de figurant, sur un coup de tête. « Je n’avais jamais fait de théâtre. Une semaine plus tard, je réalisais une impro où je faisais semblant d’appeler le personnage de Chiara Mastroianni. » Victor décroche le rôle, puis encore un autre dans la série Scènes de ménage, où il apparaît dans une quinzaine de sketchs.

« Je ne suis qu’un apprenti »

Fils d’un père agriculteur et d’une mère retraitée de la CPAM de la Vienne, Victor tâtonne volontiers mais avec appétit. Il s’autorise à oser. « Je n’avais rien à perdre, jure-t-il. Avoir confiance en soi, ce n’est pas être sûr de réussir, mais avoir la certitude de pouvoir supporter l’échec. » C’est ainsi qu’il a fini par se lancer dans l’aventure de Voyage au bout de l’effort, il y a deux ans, sans filet. Pendant le tournage, il a pu douter de sa capacité à aller au bout… de l’effort, justement. « C’était aussi une quête mentale. J’ai fait de ma maladie une force, en me disant : Putain, t’as vécu plus dur que ça ! » Et j’ai eu la chance de partager ces choses avec des gens inspirants, des machines qui te disent que tu peux le faire. »

Le métier de ses rêves se trouve peut-être à cet endroit. Bien avant cette série, le Poitevin écrit depuis longtemps des histoires, de la fiction… et de la musique. Young Coconut Drink est son « alter ego rappeur », qui se lâche sur des compositions de Paul Lavernhe, frère de Benjamin l’acteur. « On a gardé une équipe solide de potes du lycée Camille-Guérin, des mecs qui ont toujours été là… On est fiers d’être de Poitiers et on le revendique pas mal. » Et quand ce n’est pas pour le travail ou pour le fun, Victor écrit pour lui même, dans un journal de bord. L’idée lui a été soufflée il y a quelques années par un ami réalisateur. « J’ai trouvé ça libérateur de pouvoir tout dire, ce que tu n’oserais pas même raconter à ta mère ou à ta copine. L’écriture a presque un pouvoir magique. » Dans Voyage au bout de l’effort, elle a fait l’effet d’une « thérapie ». Une suite est d’ores et déjà envisagée. « Je veux vivre des tas de choses, rencontrer plein de gens. C’est une quête qui n’est jamais finie. » Mais n’allez pas dire de lui qu’il est un explorateur des temps modernes. « C’est là que je vois comment le prisme de la télé transforme l’histoire, dit-il. C’est hilarant car je la connais, moi, la vérité (rire). Au fond, je ne suis qu’un apprenti. »

DR - Julien Raison

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