Ukraine - L’exil poitevin de la famille Lementa

Andrii Lementa et sa famille sont les premiers réfugiés ukrainiens arrivés dans la Vienne. Avec leurs enfants âgés de 10 ans et 1 mois, ils ont roulé pendant neuf jours dans des conditions difficiles pour rejoindre la maison d’Aleksey et Olga, à Mignaloux-Beauvoir, des amis franco-russes qui leur ouvrent fraternellement leur porte.

Ils ont encore les traits tirés par les neuf jours passés dans leur voiture… Chassés par la guerre comme 1,5 million de leurs compatriotes, Andrii Lementa, son épouse Khrystyna et leurs deux enfants, Maya 10 ans et Artiom, tout juste âgé de 1 mois, ont parcouru dans des conditions incroyables plus de 3 500km entre Dnipropetrovsk à l’est de l’Ukraine et Poitiers, avec une seule idée en tête : fuir les bombardements. Ils sont aujourd’hui les premiers réfugiés ukrainiens à avoir rejoint la Vienne, accueillis chez des amis franco-russes totalement en désaccord avec Vladimir Poutine. 
« Quand ils sont arrivés, vendredi soir, Andrii s’est empressé de tout décharger comme s’il était encore en danger », se souvient Aleksey Ashuraliyev. Une tension difficile à apaiser.

5 000$ pour 
entrer en Moldavie

Dès le 24 février, au début de l’offensive russe, Andrii charge la Mazda, une berline familiale sans prétention, affichant 
300 000 km au compteur, avec autant d’affaires qu’elle peut en contenir. Il ferme la porte de leur appartement de location et roule en direction de la Moldavie, au sud. « J’ai réfléchi en père de famille, je voulais mettre tout le monde à l’abri », 
raconte le trentenaire. Après un passage par Kirovohrad et Tcherkassy, les combats l’empêchent une première fois de rejoindre sa destination. Il bifurque et tente sa chance vers la Biélorussie au nord mais la frontière est bloquée. Demi-tour. Partie depuis deux jours déjà, la petite famille vit, dort et mange dans la voiture. De retour aux portes du voisin moldave, des escrocs improvisés passeurs lui réclament pas moins de 5 000$ pour entrer. C’est tout ce qu’il a mais il accepte. Pas le choix. Andrii doit confier les clés de sa voiture qui contient toute leur vie pour ne pas éveiller les soupçons et passer la frontière un peu plus loin. A ce moment-là, les hommes peuvent encore quitter le pays. A pied, les Lementa parcourent ainsi dix kilomètres à travers champs. Heureusement, leur véhicule est bien à l’arrivée de l’autre côté. Mais que faire ensuite ? « C’est là que je les ai appelés pour avoir des nouvelles, raconte Aleksey. Je ne savais pas qu’ils avaient eu un bébé. Quand je les ai vus tous les quatre en visio, je leur ai immédiatement proposé de venir. » Les deux hommes, patrons de leur propre boîte d’import-export, se sont rencontrés pour la première fois en 2017 au cours d’un voyage d’affaires. C’est parti pour un nouveau périple à travers la Roumanie, la Hongrie, l’Autriche, l’Allemagne puis la France via Strasbourg.

La vie s’organise

« On est vraiment contents et rassurés d’être ici », confie Andrii, traduit du russe par Aleksey. La petite Maya garde le sourire. Si elle a compris désormais qu’elle ne reverrait pas de sitôt ses camarades de classe, la fillette peut compter sur le jeune garçon de la maison, Léo, fils d’Aleksey, lui aussi âgé de 10 ans et qui parle le russe. « Je pense que Vladimir Poutine s’arrêtera quand il aura pris tout l’est 
de l’Ukraine jusqu’au fleuve Dniepr », estime le père de famille. Pourront-ils retourner dans leur pays ? A quelle échéance ? Le couple ne se projette pas encore. « En revanche, Andrii m’a déjà dit qu’il voulait trouver rapidement du travail et un logement, ça le gêne de devoir être aidé », reprend Aleskey, qui réfléchit à l’intégrer dans son entreprise. Khrystyna obtient régulièrement des nouvelles rassurantes de ses parents restés au pays à travers la messagerie Telegram. La vie s’organise progressivement dans cette maison située à Mignaloux-Beauvoir, où un autre invité s’est également installé : le père d’Aleksey, venu de Moscou pour passer les fêtes de fin d’année et qui, pour l’instant, ne peut pas rentrer chez lui.

A savoir 
Aleksey Ashuraliyev a lancé une cagnotte pour aider la famille Lementa sur la plateforme cotizup. Aleksey et Andrii seront les invités ce mardi midi 
de l’émission 7 à la Une.