Aujourd'hui
La répartition des postes d’enseignants dans les écoles de la Vienne pour la rentrée 2022 a scandalisé une partie du monde rural. Une manifestation s’est tenue lundi devant le rectorat.
Le maire de Pleumartin a encore du mal à encaisser la nouvelle. « On nous a prévenus qu’une classe était menacée un mois et demi avant la décision, assure Eric Bailly. L’Education nationale devrait tirer la sonnette d’alarme, qui d’autre sinon ? Les maires sont ouverts à tout, sous réserve de pouvoir anticiper. » Le 7 février dernier, le conseil municipal et l’Association de parents d’élèves (APE) de l’école Marcel-Pilot (110 élèves) ont appelé à un rassemblement pour « sauver » leur classe. En vain. Trois jours plus tard, le Comité départemental de l’Education nationale (CDEN) a entériné la répartition des postes d’enseignants dans les écoles maternelles et élémentaires de la Vienne. Une carte scolaire jugée défavorable aux communes rurales, non seulement par les élus concernés mais aussi par les syndicats d’enseignants et les parents d’élèves. « Bien sûr, les décisions sont toujours étayées à partir de ratios, mais ceux-ci ont leurs limites et procèdent d’une approche comptable qui n’est pas suffisante, qui fait fi des efforts effectués par les territoires ruraux pour y maintenir services publics et population, qui ne prend pas suffisamment en compte les particularités locales en territoire urbain comme en zone rurale », estime la FCPE de la Vienne. L’association réclame une nouvelle concertation.
« Petite ville de demain », vraiment ?
Sept regroupements pédagogiques intercommunaux, réunissant à chaque fois deux à trois villages, ont perdu un poste. A Champniers, le conseil municipal a accepté de renoncer à son école créée il y a cent trente ans pour transférer les 14 élèves restant dans la commune voisine de Blanzay et ainsi obtenir un groupe de 74 enfants. « On pensait que ce serait suffisant pour garder notre quatrième institutrice, commente Laetitia Bealu, présidente de l’APE. On sait que les zones urbaines sont surchargées mais on nous prend des enseignants alors que nous avons des élèves avec des besoins particuliers, suivis en Rased, qui s’en sortent bien en petits effectifs. » De son côté, le rectorat souligne que « la Vienne s’inscrit dans un contexte de baisse démographique continue depuis 2016 ». Les chiffres sont éloquents : 587 élèves en moins à la prochaine rentrée, moins 3 947 en sept ans. Pour autant, le département a bénéficié de « 51 équivalents temps plein supplémentaires sur la même période ». Insuffisant pour compenser les réformes du ministre Blanquer (dédoublement de classes, école inclusive…), mises en place « à moyens constants dans une volonté de rationaliser les coûts, selon Gilles Tabourdeau, secrétaire départemental du Snuipp-FSU. Faute de créations de postes, le Dasen va en chercher où il peut. »
Le paradoxe, c’est que des villages comme Pleumartin ont été labellisés par l’Etat « Petite ville de demain » pour jouer le rôle de locomotive sur le territoire. Des fonds dédiés dans le cadre du Plan de relance visent à des projets de développement. « Malheureusement, ça ne protège pas des fermetures de classes », regrette Eric Bailly, qui craint d’envoyer un mauvais signal à tous les jeunes couples qui voudraient s’installer sur sa commune. Il était présent comme une quarantaine d’autres habitants, élus et parents d’élèves lundi devant le rectorat pour dire « non aux fermetures de classes » et, plus largement « à l’abandon par l’Etat de la ruralité ».
Une quarantaine d'élus et de parents d'élèves ont fait le déplacement lundi jusqu'au rectorat de Poitiers pour "défendre le monde rural". Parmi eux, le député Jean-Michel Clément se souvient être déjà venu il y a vingt-cinq ans pour les mêmes motifs : "C'est un vieux combat. On assiste à un deséquilibre démographique, soit les communes résistent, soit elles basculent et c'est la descente aux enfers. L'Education nationale doit apprécier autrement la situation des écoles rurales, il faut accepter de réduire les ratios d'élèves et ne surtout pas opposer l'urbain et le rural." Le regroupement intercommunal Saint-Macoux/Linazay/Voulême/Saint-Pierre-d'Exideuil devrait perdre une classe à la rentrée 2022, après deux premières fermetures l'année passée. "Le Dasen est le meilleur recruteur pour le privé, assure Jean-Pierre Bernard, maire de Saint-Macoux. Car c'est là que les parents mettent leurs enfants et pas à Civray comme l'espère le rectorat." Le sénateur Bruno Belin également présent a affirmé avoir déposé "une question écrite au ministre Blanquer qui est restée sans réponse depuis six mois". Une délégation a été reçue par Frédéric Artaud, adjoint au Dasen de la Vienne en charge du premier degré mais aucune évolution de la carte scolaire n'a été annoncée pour l'instant.
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