
Aujourd'hui
Ô temps, suspends ton vol…
L'édito de la semaine est signée Nicolas Boursier.
Pourquoi avez-vous accepté de participer à cette 1re édition des RNEP ?
« Je considère que nous sommes dans une période préoccupante de creusement des inégalités. L’éducation populaire a un rôle majeur à jouer en termes de cohésion sociale et cet événement est là pour le rappeler. »
Quel est votre définition de l’éducation populaire ?
« Le mouvement est né après la Première Guerre mondiale, avec une volonté de construire une société plus fraternelle. C’était l’idée du « plus jamais ça ». Il y a eu ensuite le Front populaire et les premiers congés payés qui sont apparus, une sorte de droit aux loisirs. Le ministre de l’Education nationale de l’époque, Jean Zay, a vu la nécessité de créer, à côté du service de l’éducation, de la petite enfance et de la santé, un mouvement autour de citoyens qui portent les valeurs de solidarité et d’émancipation à partir de structures associatives. D’où la naissance des MJC, des centres sociaux... »
Le déclin des colonies de vacances n’est-il pas le symbole d’une société plus fragmentée ? On est passé de 4 millions de jeunes dans les années 60 à 906 000 en 2020...
« Une partie des jeunes partent désormais dans des camps. La baisse n’est pas aussi dramatique que cela, même si les colonies de vacances sont très emblématiques de l’éducation populaire. On a assisté à une marchandisation du loisir. On est moins dans cette construction du collectif, qui anime par exemple le mouvement scout. Partir ensemble, cela signifie mettre en place des soirées, concevoir des activités en commun... La montée de l’individualisme, d’une recherche plus personnelle du plaisir, complique les choses. »
L’éducation populaire est-elle une notion exclusivement de gauche ?
« Je ne dirais pas cela, même si historiquement le mouvement est lié au Front populaire. Il y a un idéal politique au sens noble du terme, qui ne relève pas d’une obédience. Beaucoup de gens peuvent se retrouver dans un projet qui se fonde sur l’entraide, le collectif et la lutte pour plus d’égalité. L’éducation populaire vise à créer de la solidarité et à aller au-devant des gens pour transmettre, apporter une culture de qualité. Il existe des initiatives dans beaucoup de domaines. L’initiation au numérique via des camions dans un département, c’est de l’éducation populaire ! »
L’école ne semble plus être le lieu d’émancipation. En tant que spécialiste de l’éducation et de la pédagogie, quel est votre avis ?
« On a trop souvent tendance à confondre école et éducation. L’école est essentielle, c’est le lieu où on apprend des choses fondamentales, mais l’éducation ne se résume pas à l’école. Un proverbe africain dit qu’il faut tout un village pour élever un enfant. Il faut donc en plus des enseignants des parents, des collectifs de quartier, des structures de jeu, des médias... L’école ne peut pas tout faire. »
Les pédagogistes sont brocardés dans cette campagne présidentielle par certains candidats d’extrême droite. Vous vous sentez visé ?
« Oui, un peu ! Dans cette campagne électorale, certains parlent beaucoup de sanctions et d’exclusion, nous privilégions l’éducation et la prévention. Ça ne se voit pas. Pourtant, tout ce travail est fondamental. La rhétorique du bouc-émissaire domine, elle traduit une faiblesse intellectuelle. Toutes ces logiques signent le refus de prendre en compte la complexité des sujets, les problèmes dans leur intégralité. Cette logique du bouc-émissaire permanent est le levain du populisme. »
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