Hier
Le Regard de la semaine est signé Paul Dequidt.
La politique, ça soûle les gens. On en a marre, des mensonges, des batailles de grosses têtes, des médias assommants, des polémiques idiotes. D’ailleurs, dans le milieu d’où je viens, c’est plutôt un tabou : à table, on ne parle pas de politique, ça ne se fait pas. Ce rejet vient peut-être d’une peur du conflit, parce qu’il faut rester polis et sages, ne pas avoir le verbe haut et s’enflammer par une tirade trop longue. Ou pire : perdre son libre arbitre et son identité, envoûté par des idéologues et des politiciens, loin des gens raisonnables ! Les gens raisonnables, eux, sont nuancés, recèlent d’intelligence et de retenue. Ils voient les deux côtés des choses, si bien qu’ils s’abstiennent de trancher ; il y a du mal des deux côtés. Victor Hugo disait de ces gens-là qu’ils « insistent doucement pour la conservation du passé ». Tellement qu’au final, ça ne bouge pas, ou trop peu.
J’ai grandi dans ce silence. Car la chose politique ne me touchait pas : je ne me sentais pas affecté par elle. Affecté, c’est le bon mot. Car en 2017, j’ai subi une politisation éclair. Je ne saurais pas dire comment ça a commencé… L’écologie, sûrement. J’ai dû comprendre que la trajectoire n’était pas bonne, que ça ne se ferait pas tout seul, et que si je ne m’occupais pas maintenant de politique, la politique, elle, s’occuperait de moi. Et ça m’a pris comme une fièvre.
En France, c’est très étrange. Il ne se passe rien durant cinq ans, puis nous sommes tous projetés dans une tornade affective où se mélangent la peur, la colère, le sarcasme, les disputes et surtout, surtout, une forme d’espoir. En 2017, j’ai senti de l’espoir. La politique, cette chose qui ne m’avait jamais touché jusqu’à présent, m’a emmené avec elle. Si bien que depuis, je passe la plus grande partie de mes nuits à me gaver de conférences, de sciences sociales, de philosophie politique. Comme scientifique, je pensais que seules la physique et les sciences « dures » permettaient de comprendre le monde. Et depuis, j’ai introduit du relativisme dans ma pensée, du décentrement. En la matière, j’ai comme un retard immense à rattraper, sur tous les sujets. Mais je suis certainement plus heureux depuis que j’ai la fièvre. D’autant plus que, pour ne rien vous cacher, je commence à la ressentir à nouveau… Je sais que certains ne partageront pas mon avis. Que beaucoup sont dégoûtés par la politique, se sentent trahis. Alors, à ceux-là, je leur souhaite de retrouver l’espoir. Et de respirer à nouveau.
CV express
Docteur en Traitement du Signal, une discipline entre la physique et l'informatique. J'ai travaillé sur l'étude de tumeurs cérébrales par intelligence artificielle. Passionné de neurosciences et de psychologie, j'aimerais que mes recherches permettent de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau. En 2021, j'ai remporté le concours national « Ma thèse en 180 secondes » : un aboutissement pour moi qui ai beaucoup travaillé la communication !
J'aime : les sciences (dures et sociales), la rhétorique, la politique, les blagues, les couleurs vives et la tarte au citron.
Je n'aime pas : les mensonges, les façades, le climatoscepticismeordinaire, l'individualisme et les bananes.
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lundi 23 décembre