mardi 24 décembre
Mamadou Souaré, 41 ans. Bénévole au centre socioculturel des Trois-Cités et médiateur citoyenneté au centre d’animation des Couronneries. Originaire de Guinée, ce chantre de la laïcité s’engage dans la vie des quartiers et promeut les valeurs de la République auprès des jeunes.
Le tour de France de « Pas sans nous » est passé vendredi par Poitiers. L’association diffuse le concept des Tables de quartier, tout droit venu du Québec. Une quarantaine de villes l’ont adopté. La mayonnaise a pris aux Couronneries grâce au centre d’animation et à l’un de ses artisans, Mamadou Souaré. Ce médiateur citoyenneté anime les réunions chaque mois au bas des immeubles quand il fait beau, sinon à Carré Bleu. L’idée ? Donner la parole à ceux qu’on ne voit jamais dans les sphères de décision. « Les habitants ont une véritable expertise d’usage sur leur quartier, ils le connaissent mieux que quiconque. » Et ils sont porteurs d’initiatives sur la sécurité, le logement, l’aménagement de l’espace public, l’accompagnement des jeunes en insertion… Reste à les informer et à les convaincre qu’on est plus fort à plusieurs. « J’ai pour mission d’aller vers les gens tous les jours. Ils ont des préoccupations communes mais ne se connaissent pas. » Dix-huit habitants mobilisés depuis le début (en août 2020) se font le relais de cette innovation sociale pour attirer toujours plus de monde.
A 41 ans, Mamadou Souaré accomplit sa « mission » avec « grand plaisir ». Titres de séjour, aides au logement, relations avec le bailleur public Ekidom, remboursement de soins… Chaque jour, il reçoit des appels à l’aide concernant l’accès aux droits. « Cet accompagnement participe réellement à une amélioration du quotidien des habitants. L’élan qu’a pris ce dispositif donne de l’espoir. » Ce qui le fait se lever chaque matin, c’est le vivre-ensemble. « Je suis attaché aux valeurs d’engagement dans la vie de la cité. » Et tant pis si le concept a été mis à toutes les sauces par les politiques, lui le met en œuvre concrètement sur le terrain. De foot d’abord lorsqu’il était éducateur des 6-9 ans dans le club des Trois-Cités, de 2016 à 2019, avant d’entrer au comité directeur. « Je leur parlais du fair-play dans le jeu mais je leur donnais aussi des codes pour vivre en société. »
Foot, fair-play et vivre-ensemble
Et puis il y a eu les attentats de 2015, en janvier, contre la rédaction de Charlie Hebdo et la liberté de la presse et, en novembre au Bataclan, au Stade de France et dans les rues de Paris. « J’ai été choqué, avoue-t-il. Comment peut-on tuer aveuglément au nom d’une religion ? » Ce drame est venu percuter ses certitudes. « En France, la laïcité est une chance, chacun a sa place avec ses convictions. » Dans la foulée de la « Grande mobilisation » lancée par l’Education nationale, Mamadou Souaré a créé l’Association pour la promotion des valeurs de la République et organise des rencontres le samedi matin avec des jeunes de tous les quartiers. Ça continue d’ailleurs ! La trentième édition s’est déroulée le week-end dernier à la médiathèque des Trois-Cités.
Ces valeurs, il les cultivait avant même son arrivée en France, en 2009. Originaire du village de Winde Kana, au nord de la Guinée, Mamadou Souaré a vécu une enfance heureuse dans une « famille très modeste ». Son père boulanger « faisait du bon pain », sa mère au foyer s’occupait des enfants et du potager. « J’ai toujours mangé ce que ma mère produisait », se souvient-il dans un large sourire. Sur de nombreux aspects, la France a beaucoup influencé son pays, et lui avec. Vous ne trouverez aucun sentiment de rejet dans son discours. Au contraire. « A côté de mon école, se trouvait une bibliothèque où j’allais m’abreuver de livres d’auteurs français comme Victor Hugo », raconte-il. Et plus tard, au moment d’entamer des études de droit public à Conakry, la France a pris une place encore plus importante dans son esprit et dans son cœur. « Il faut savoir que le droit et les institutions de mon pays ont été inspirés de la France dans une sorte de mimétisme. Savoir cela m’a donné envie de découvrir le reste. » Il s’est intéressé au siècle des Lumières et à la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen…
« Tout ce qu’il faut pour s’émanciper »
Après sa maîtrise, il a rejoint Poitiers en 2009 et décroché un master de droit en administration publique. Il s’est très vite intégré au point de devenir, dès l’année suivante, bénévole au centre socioculturel des Trois-Cités, où il habite et met ses compétences au service des autres. Le fonctionnement des institutions, il connaît. C’est ainsi qu’il a permis à des jeunes en recherche de réponses de rencontrer la préfète de la Vienne et la maire de Poitiers, qui lui a remis le titre de « citoyen combatif » lors du dernier Tour de France. Mamadou Souaré et ses protégés ont aussi visité le commissariat central, où on leur a expliqué le rôle de la police dans le processus de vivre-ensemble, et ils découvriront bientôt l’Assemblée nationale. « Ils doivent rentrer dans ces bâtiments et pas seulement passer devant. C’est une manière de les inspirer et de leur faire comprendre qu’ils y ont leur place. »
Pourquoi pas moi ? Mamadou Souaré veut insuffler cette question dans les esprits de la nouvelle génération qui « dispose de tout ce qu’il faut pour s’émanciper, école, médiathèque, transports, centre commercial… » Sous réserve que les jeunes s’en saisissent. Se prendre en main, participer à la vie du quartier, voilà le message qu’il porte. Et si tout cela commençait autour d’une table ? Le prochain rendez-vous est fixé au 2 février, à 17h30 à Carré Bleu. Il y sera, bien évidemment.
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