mardi 24 décembre
Hélène Vignal. 53 ans. Parisienne de naissance, Poitevine par affection. Lauréate de la Pépite d’or du Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil pour son dix-septième roman. Aborde dans Queen Kong la sexualité des adolescents sous un jour nouveau. Signe particulier : préfère dire « nous » que « je ».
Elle aime écrire, boire du café, rire abondamment, nager dans l’océan Atlantique. Elle n’aime pas le bruit, les maisons trop rangées, le stress, la colère et l’attente. Impatiente, Hélène Vignal ? L’autrice a pourtant poireauté dix-sept longues années avant d’être récompensée d’un prix prestigieux. Et croyez-la sur parole, « c’est chouette quand ça arrive à 50 ans car on le met à sa juste place ». « Ça », c’est une Pépite d’or, décernée à Montreuil pour Queen Kong, un texte « coup de poing » sur la sexualité chez les ados sur fond de tyrannie des réseaux sociaux (*). L’héroïne s’épanche sans ambages, guidée par son instinct et ses envies. L’écriture s’avère d’une justesse inouïe. Après lecture, la mère de l’autrice, 89 ans au compteur, l’avait prévenue : « Tu vas voir, ça va faire un tabac. » Elle avait raison. Les éditions Thierry Magnier ont déjà réimprimé 2 000 exemplaires, aux 3 000 initiaux.
Ecrivaine du réconfort
Alors, heureuse ? « C’est un immense bonheur, esquisse la mère de deux grands enfants (27 et 26 ans). Et en même temps, j’ai du mal avec cette notion de mérite. On est tellement nombreux à le mériter ! » Du « je » au « nous », il n’y a souvent qu’un pas chez Hélène Vignal. A la table des confessions, dans sa maison d’une ruelle de Biard, la native des Yvelines rembobine le fil de l’histoire. De son enfance délicate, dans et en marge de la société -elle la raconte dans Trop de chance-, elle retient « les longs moments de solitude, une forme d’emprise ». A 18 ans, elle a aussi perdu son premier grand amour dans un accident de voiture, « où j’aurais dû être ». Face aux épreuves, elle s’est évertuée à coucher sur le papier ses doutes, ses intuitions, déjà écrivaine du réconfort intime, « comme des millions de gens ». « Pour ne pas être seule, je me suis arrangée pour que des courriers m’attendent dans la boîte aux lettres. J’écrivais aux auteurs, notamment Edmond Kaiser... » Le nous, toujours, même s’il est à ses yeux aussi « dangereux » que « salvateur ».
« Un roman est d’abord une obsession, une demande impérieuse à laquelle il faut répondre »
Le temps a passé, elle a noirci des kilomètres de feuilles, ici à la fac de lettres de la Sorbonne, là à l’IUT section animation socioculturelle ou en DESS de sociologie. Une sorte de fil rouge ténu mais tellement précieux. Dans sa vie, l’ex-cadre de la Région Nouvelle-Aquitaine a expérimenté mille métiers : animatrice, agent de développement, vendeuse, « prof de ping-pong pour dépanner ». Jusqu’à ce qu’elle se décide à franchir le Rubicon, en 2020, encouragée par une bourse semestrielle du Centre national du livre. Se consacrer à l’écriture, la belle affaire ! « J’avais peur de m’ennuyer, de ne plus être en lien avec les autres, de manquer d’argent. » Ses a priori ont vécu, elle a su écouter sa voix intérieure. « Des toutes petites choses, des doutes qu’on est seul à pouvoir sentir. » « Au fond, j’écris parce que je ne peux pas faire autrement, prolonge-t-elle. Un roman est d’abord une obsession, une demande impérieuse à laquelle il faut répondre. Le fait d’aborder des thèmes difficiles n’est pas un calcul, nous sommes humains et nous traversons des choses intenses. C’est cette intensité qui me fait vivante et humaine. »
« Avec les ados, ça passe crème ! »
Du « je » au « nous », encore. Hélène Vignal anime régulièrement des ateliers d’écriture dans les lycées professionnels, les maisons de quartier, ici, ailleurs... L’occasion de se confronter aux ados, de déclencher chez eux l’envie de se raconter. Pas toujours simple, même si elle a le contact facile. « Avec eux, ça passe crème ! » L’été dernier, l’autrice a aussi mené à bien, avec d’autres, l’adaptation théâtrale de son avant-dernier roman, Si l’on me tend l’oreille. Entre deux séances d’écriture -le matin de 9h à 11h, une pause-café puis rebelote jusqu’à 15h-, elle répond également aux obligations que confère la co-présidence de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse. Alors, non, elle ne s’ennuie pas, ne court pas après l’argent et sa vie sociale ne souffre aucunement de son nouveau statut. « On reste dans le livre jeunesse, hein ! », appuie l’ancienne chroniqueuse Regards du 7, saison 2013-2014. Nous voilà rassurés ! On vous le donne en mille, Montreuil avait cette année pour thème... « Nous ? ». Le clin d’œil de l’histoire est savoureux.
(*)Elle le dédicacera vendredi de 17h à 19h à l’Effet bocal, à Poitiers.
Queen Kong d’Hélène Vignal, éditions Thierry Magnier, collection L’Ardeur. 96 pages, 12,90€.
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