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Bruno Vautherin. 35 ans. Ancien directeur-adjoint des Ateliers du Bocage. Projette de créer La ferme de l’air libre destinée aux anciens détenus, à naître en 2023. Père de quatre enfants. Ingénieur de formation, altruiste par conviction. Signe particulier : adepte du temps long.
Et le coup de cœur de Grand Poitiers dans la catégorie Economie sociale et solidaire est attribué à... La Ferme de l’air libre ! Si des obstacles ne se dressent pas sur sa route, Bruno Vautherin ouvrira en 2023 une ferme, donc, où des détenus en fin de peine pourront vivre et travailler, cultiver et vendre des légumes, en somme nouer des liens avec leurs contemporains pendant plusieurs mois. Inspiré de La Ferme de Moyembrie, établie dans l’Aisne, le projet est résolument ambitieux, solidaire et bienveillant. Il a pris racine dans les liens que son concepteur a tissés avec Emmaüs au cours de sa précédente vie professionnelle. « C’est là où j’ai envie d’être aujourd’hui, ça a une vraie utilité », avance le Poitevin.
Destin tracé
Ne lui demandez pas ce qu’il fera dans cinq ou dix ans, il n’en sait rien et ne veut pas se projeter aussi loin. De fait, le fils de cadre d’une grande entreprise aéronautique a grandi « dans un environnement balisé ». Un schéma où faire « de bonnes études » débouche de facto sur « une bonne situation ». Alors le titi parisien a décroché un bac S mention Très bien, s’est sorti de la prépa scientifique avant de décrocher Supaéro, à Toulouse, malgré son attirance pour le vivant. Le parcours rêvé en somme pour qui adore les avions et écume le Salon du Bourget tous les ans. Rêvé, vraiment ? « Les deux premières années, on passe beaucoup de temps à faire des maths. Or, pour moi, ce n’était pas une passion, juste un passage obligé. » La compétition au sein de l’école le refroidit. Un cours sur le changement climatique l’amène vers une « deuxième prise de conscience. Je me suis rendu compte que la science devait être au service de l’intérêt général, pas d’intérêts privés... »
« Qu’est-ce qui est vraiment essentiel ? »
Sa première expérience professionnelle dans une entreprise de maintenance aéronautique ne le convainc pas davantage. Le jeune ingénieur s’aperçoit « des limites de l’humain lorsqu’il a du pouvoir et de la réussite ». Lui cherche « le sens et la cohérence. » ll les trouve à quelques milliers de kilomètres de « sa » capitale. Avec sa compagne, Bruno Vautherin se dirige vers le Cambodge, comme volontaire international. L’utilité encore. « Sur place, notre mission a consisté à accompagner les enfants parrainés par l’association des Enfants du Mékong. » Le couple expérimente le temps long et la sobriété. Avec cette question : « Qu’est-ce qui est vraiment essentiel ? » Au fond, depuis son retour d’Asie et la naissance de son premier enfant -il en a quatre désormais-, le néo-Poitevin se sert de la question comme boussole.
Au confort douillet d’un poste de cadre dans un grand groupe aéronautique, le trentenaire a choisi l’aventure partagée d’une Société coopérative d’intérêt collectif du Nord Deux-Sèvres : les Ateliers du Bocage (ADB). « J’avais acté deux choses : changer d’environnement professionnel et ne plus vivre à Paris. » Les hasards de la vie l’ont conduit ici, dans le Poitou. « Vous vous rendez compte, Bernard Arru (fondateur, ndlr) m’a reçu une demi-journée alors qu’il n’y avait pas d’offre d’emploi en face ! » L’émergence de La Bootique, sur Poitiers, lui a finalement permis de décrocher un poste. De fil en aiguille, il est même devenu directeur-adjoint de l’entreprise d’insertion.
Du genre déterminé
Les allers-retours vers Bressuire et à Paris l’ont convaincu, après cinq ans, de tenter une autre aventure. « Mon équilibre entre vie familiale et vie professionnelle était en train de se détériorer... », dit-il pudiquement. Mais il reste « très proche » des ADB et de leur philosophie. A La Ferme de l’air libre, Bruno Vautherin prévoit d’ailleurs d’embaucher des salariés en insertion, au-delà des détenus. Le montage administratif et financier avec l’Etat, les collectivités ou encore les services s’avère forcément complexe. Mais le porteur de projet est du genre « déterminé ». « On ne peut pas mener des projets utiles en claquant des doigts. Dès qu’il y a de la complexité, il y a du temps long. » Il en va de la réinsertion comme du changement climatique, de l’éducation des enfants comme de la consommation. Tout est question de mesure et de cohérence. Ironie de l’histoire, l’ingénieur aéronautique a retrouvé du sens sur le plancher des vaches.
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