Hier
Véronique Delorme. 63 ans. Née à Autun. A grandi avec le Théâtre de Verdure de L’Isle-Jourdain, aime le théâtre tout court, les rencontres et les chevaux. Convaincue que les émotions font avancer.
Côté maternelle, son histoire familiale évoque une arrière-arrière-grand-mère dompteuse de lion -sans certitude-, un arrière-grand-père directeur de ménagerie -l’affaire est avérée-, et une grand-mère « dans le cirque », disparu à l’âge de 34 ans. Véronique Delorme n’a connu aucun de ces aïeuls maternels. Pourtant leur monde semble l’accompagner depuis soixante-trois ans, de loin en loin. Il y a eu ce poney, cadeau de son père acquis auprès d’un cirque alors qu’elle avait une demi-douzaine d’années. « Il avait été dressé pour secouer un clown par les bretelles… », commente-t-elle d’un air entendu ; on devine la chute. Il y a aussi son amitié avec le cirque Octave singulier, son attirance pour les chevaux… Depuis toujours, le cirque est dans sa vie sans y être, à son insu. La fondatrice et gérante non salariée de la toute jeune société Cénové, spécialisée dans la création d’événements singuliers immersifs, n’est pas une enfant de la balle. Ses souvenirs d’enfance sont plus terriens, sédentaires, bourguignons. Ils ont pour décor Autun, dans un milieu « humaniste » et « généreux » centré sur l’entreprise familiale. « La plupart des salariés étaient des copains d’enfance de mon père, les autres étaient de la famille », décrit-elle, avant de préciser : « Mon père était grossiste en viandes. » La description est un peu courte, elle s’en rend compte, complète aussitôt : « C’était un autodidacte. Il était aussi investi dans le milieu associatif, il organisait de grands réveillons… » La liste, visiblement, est aussi longue qu’éclectique. Son père s’arrêtait rarement. Sa fille unique était souvent aux premières loges, y compris dans le siège passager de la Lancia Fulvia 2000 avec laquelle il s’adonnait aux courses de côte. Et puis il y avait les balades en sulky le week-end, « [sa] Madeleine de Proust ». « Mon père attelait Eclat du Valtin et nous partions rien que tous les deux. C’était notre espace de liberté. » Le reste du temps, le monde grouillait autour du sémillant grossiste. Comme une famille, une troupe, une compagnie… « Sa porte était toujours ouverte. » De cela et du reste, sa fille s’est inspirée, plus ou moins consciemment.
« On n’est pas là par hasard »
Après le pensionnat, Véronique a fait des études de guide-interprète en espagnol et de tourisme. « J’aurais bien travaillé dans l’entreprise de mon père », avoue-t-elle. Le destin en a décidé autrement. Elle rencontre son futur ex-mari, le suit jusqu’à L’Isle-Jourdain, découvre et entre dans une autre entreprise familiale, de transport celle-ci. « On n‘est pas là par hasard », assure-t-elle. Rapidement, en 1988, elle adhère à l’association L’Isle était une fois et participe à l’éclosion du Théâtre de verdure, une ancienne carrière transformée en espace scénique, l’utopie devenue réalité de Jean-Marie Sillard. Véronique y incarne la Gourmandise dans Les Sept Péchés capitaux, Lady Capulet dans Roméo et Juliette… L’aventure va durer vingt-neuf ans. Presque quinze ans plus tard, la comédienne amateure, maman de deux grandes filles de 37 et 40 ans, en a encore les yeux qui brillent. Elle n’a jamais abandonné le théâtre depuis. « Le Théâtre de verdure, c’était la rencontre de tout un village, toutes professions et toutes religions confondues, s’enthousiasme-t-elle. Nous étions tous arrivés enfermés dans nos croyances, nos idées… Pour moi cela a été une révélation ! Cela m’a fait grandir. Je suis allée chercher des choses en moi, des choses que je n'avais jamais pu sortir. » Des fantômes familiaux, des histoires parfois tragiques. Le théâtre a eu un effet carthartique. Jusque-là, Véronique avait tout enfoui. Après « j’en ai tiré ma force », souligne-t-elle, comme en 2015 face à la maladie. Ne jamais se lamenter sur son sort. « On ne parle pas de soi, on avance », répétait sa grand-mère paternelle. « On vient sur terre pour une mission », prolonge Véronique. La sienne, aujourd’hui, est d’être « une passerelle entre le monde économique et le monde artistique ». La jeune retraitée, désormais installée dans le quartier de Montbernage, à Poitiers, ne réunit-elle pas dans un même héritage le commerce de gros et le cirque ?
« Le Covid a tout bouleversé »
En 1993, elle crée en parallèle de son temps partiel une première société, la Sève, pour « organiser des événements culturels, artistiques et des projets de team building ». En 1995, à travers l’Année des saveurs en Poitou-Charentes, elle fait se rencontrer des lieux, des artistes, des producteurs, des chefs… La Sève aura été l’ancêtre de Cénové. « Le Covid a tout bouleversé, il a anesthésié les sens. Il faut les raviver, donner aux gens une bouffée d’oxygène, lance avec conviction l’instigatrice de ce nouveau projet. L’objectif de Cénové est de créer un climat d'émotion, dans des lieux atypiques propices au réveil de l'imaginaire, et d’impliquer les participants dans des situations immersives pour valoriser le lien. » Offrir à chacun son Théâtre de verdure en somme…
À lire aussi ...