Aujourd'hui
Budgets participatifs, consultations numériques, convention citoyenne, assemblée citoyenne... La Ville de Poitiers multiplie les outils pour redonner confiance aux habitants dans le processus démocratique. Mais la démarche s’expose aux critiques.
Les premières séances du groupe de préfiguration ont eu lieu, vendredi et samedi. Trente habitants de Poitiers(*), six élus de la majorité et deux agents municipaux étaient réunis pour imaginer la future assemblée citoyenne de la ville. C’est l’un des projets phares de la mandature qui se dessine. « Pour redonner aux Poitevins du pouvoir d’agir et recréer un lien de confiance avec les élus », présente Ombelyne Dagicour, l’adjointe en charge de… la Démocratie locale, de l’Innovation démocratique et de l’Engagement citoyen. Comment ? Et sur quels sujets ? C’est ce que devra déterminer ce groupe d’ici la fin janvier 2022.
« C’est inédit en France, à l’échelle d’une commune comme Poitiers », assure Thomas Simon, le directeur de Fréquence commune, coopérative qui supervise les débats, « garant de la parole des citoyens ». Mais la méthode est décriée par l’opposition. « Comment garantit-on l’indépendance de cette assemblée avec six élus, tous de la majorité, dans ce groupe ? », interroge Anthony Brottier, qui fustige un « outil politique aux effets pervers ». Thomas Simon assume : « (Intégrer) des élus minoritaires aurait réveillé des postures politiciennes, des clivages qui seraient venus pourrir le débat. » Cela étant dit, l’opposition n’est pas vraiment exclue du processus : elle compte deux élus dans le comité de pilotage dont le rôle est de « nourrir » les propositions du groupe de préfiguration. Et les échanges sont jusqu’ici « constructifs », assure Thomas Simon.
« Un risque que l’on prend »
Anthony Brottier y voit pourtant la nouvelle illustration « d’une régression dans l’approche du débat démocratique ». Dans le viseur de l’élu, « des pseudo-consultations dont on ne tient pas compte des résultats » et qui ne laissent, selon lui, « aucune marge de manœuvre aux citoyens ». Sur la convention citoyenne « dénaturée », l’extinction de l’éclairage public, le sens de circulation sur le Pont-Neuf… « On donne plus de place à l’opposition dans la consultation que la précédente équipe, se défend Ombelyne Dagicour. Et sur tous ces sujets, nous avons été extrêmement mobilisés et avons montré une volonté d’être à l’écoute. »
L’adjointe cite par ailleurs les 170 projets (sur 469) retenus dans le cadre des budgets participatifs, les 35 propositions (sur 47) de la Convention citoyenne sur le numérique responsable qui feront l’objet d’une délibération en conseil municipal, non plus en décembre mais en mars prochain… Et annonce la mise en place, en 2022, d’un « RIC », le référendum d’initiative citoyenne réclamé par les Gilets jaunes. Mais ne risque-t-on pas de s’y perdre avec tous ces outils d’innovation démocratique ? « Ils n’ont pas la même finalité. Les budgets participatifs, c’est de la co-décision, la convention citoyenne de la co-construction, la plateforme Jeparticipe de la consultation… Mais oui, on a besoin de lisibilité, reconnaît Ombelyne Dagicour. Le défi, c’est l’information. C’est pourquoi il faut être très clair sur le périmètre. » Sous peine d’en décevoir plus d’un. « C’est un risque que l’on prend mais l’état de la démocratie le mérite, assure l’élue. Faire de la place aux habitants, c’est tout un travail d’acculturation, de notre part et des services. Et ça prend du temps. »
(*)10 tirés au sort sur le cadastre, 10 volontaires tirés au sort, 10 responsables associatifs et/ou membres d’un dispositif participatif de la Ville.
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