Un an après avoir témoigné dans Le 7, Janelle se débat toujours avec ses vieux démons. Victime de harcèlement scolaire en 2018, l’ado de 17 ans lutte pour reprendre confiance en elle. Alors que ses anciennes « copines » n’ont pas été inquiétées, son témoignage interpelle à la veille de la Journée nationale de sensibilisation contre ce phénomène grandissant.
Jeudi sera marqué par une nouvelle édition de la Journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire. Une de plus. L’occasion de revenir sur la persécution vécue à la rentrée 2020 par les élèves de 6e, à travers le hashtag #anti2010, de tenter de comprendre pourquoi la jeune Dinah s’est donné la mort à 14 ans en octobre à Mulhouse, ou encore de parler du nouveau dispositif de prévention Phare déployé depuis septembre dans 800 écoles primaires et 99 collèges de l’académie (lire ci-contre). Aurait-il permis à Janelle d’échapper à ses anciennes
« amies » ? Difficile à dire. Elle a été victime de harcèlement scolaire en 2018 dans un collège de la Vienne et peine encore à sortir la tête de l’eau trois ans plus tard. « J’arrive à parler sans problème de ce qu’il s’est passé à l’époque, mais je redoute d’aller à la rencontre des autres », explique l’adolescente aujourd’hui âgée de 17 ans. Il y a tout juste un an, Janelle a raconté dans les colonnes du 7 comment ses copines d’un jour sont devenues ses pires ennemies. Sans raison apparente. D’abord à travers des messages, puis de façon physique par des bousculades, des croche-pieds…
« Je leur ai demandé pourquoi, assurait-elle à l’époque. J’étais prête à changer pour elle. » Comme si le problème venait de son comportement. Peu à peu, Janelle s’est enfoncée dans une spirale infernale.
Plainte non traitée
« Le collège n’a rien fait pour nous aider, se souvient sa mère Gwen. On nous a dit que c’était normal à cet âge-là. » Interrogé la semaine dernière, le rectorat n’a pas souhaité s’exprimer sur ces faits précis mais plutôt de manière générale : « Que la réponse de l’établissement n’ait pas satisfait les parents, c’est possible, c’est de l’ordre du ressenti. Toutefois, les équipes font le maximum pour que s’applique le droit à une scolarité sans harcèlement. Un protocole existe. » Protocole censé être renforcé donc par le programme Phare.
L’année dernière, un retour au Havre -ville dont elle est originaire- avec ses parents et trois mois d’hôpital psychiatrique semblaient avoir remis Janelle sur pied. Le 25 octobre 2020, elle a même eu la force de porter plainte. Une démarche étonnamment sans effet pour le moment. Et pour cause, au bout d’un an, le parquet du Havre n’a toujours pas transmis les éléments à son homologue poitevin. « Je m’y attendais car le policier qui m’avait reçue ne m’avait pas prise au sérieux, commente Janelle. Mais je sais que mes harceleuses sont au courant de la plainte et rien que ça, c’est déjà bien. » De nouveau hospitalisée depuis six mois, l’adolescente tente de combattre l’anorexie et la dépression qui la rongent. « Je suis la plus jeune mais je me suis fait des amies ici, c’est plus facile quand on se sent directement comprise par les autres. Je prépare ma sortie car ma situation ne s’améliore plus. Je veux retourner au lycée, même si je redoute les questions qu’on pourra me poser. » Plutôt bonne élève, Janelle va devoir rattraper le temps perdu pour passer en terminale. Ses parents sont à ses côtés.
En chiffres
Un enfant sur dix victime de harcèlement scolaire
Un groupe de vingt-trois sénateurs s’est penché pendant plusieurs semaines sur la question du harcèlement scolaire. Ils ont auditionné parents, enseignants, associations et même des représentants des différents réseaux sociaux les plus utilisés. Leur rapport publié fin septembre contient des chiffres éloquents sur ce phénomène. Primo, entre 800 000 et 1 million d’élèves en seraient victimes chaque année, soit près d’un élève sur dix. Secundo : un quart des enfants harcelés déclare l’avoir été dès… l’école primaire. Toujours selon ce rapport, plus de la moitié des agresseurs ne répondent pas des conséquences de leurs actes, comme dans le cas de Janelle. Selon l’association e-Enfance, seuls 25% des harceleurs sont sanctionnés, dont 4% par l’établissement scolaire. Côté enseignants, les deux-tiers se sentent « mal armés » pour détecter les premiers signes du harcèlement en raison d’un manque de formation.
Prévention
Un « phare » dans la nuit
800 écoles et 99 collèges, soit les deux-tiers des établissements de l’académie, intègrent progressivement le programme Phare depuis la rentrée. L’idée ? Elaborer un plan global d’intervention contre le harcèlement, voté en conseil d’école, avec des personnels ressources partout. Une façon de rester en veille permanente. Des ateliers de sensibilisation ont vocation à réunir les parents et dix heures de cours par an seront dédiées à cette cause pour les élèves du CP à la 3e. Phare complète la mission des ambassadeurs lycéens qui initient des projets pour communiquer sur le harcèlement et les « sentinelles » formées à l’écoute. Un numéro vert existe aussi : le 3020.
Crédit photo : DR