Livres : vers la fin
 du zéro frais de port

L’Assemblée nationale a donné son feu vert à un tarif réglementé des livraisons de livres. Le but est de lutter contre les mastodontes de l’e-commerce. Pas sûr que cela suffise à ramener les clients en masse, selon le gérant de la Librairie (indépendante) de l’université, à Migné-Auxances.

Romain Mudrak

Le7.info

La livraison gratuite de livres est interdite en France. C’est pourquoi les géants du commerce en ligne, dont on ne citera pas les noms ici, fixent systématiquement leur frais de port à 0,01€… Pas de problème pour eux vu les volumes vendus. De plus, le livre n’est souvent qu’un produit d’appel pour ces acteurs qui dégagent des marges sur d’autres biens de consommation. Reste que peu de libraires indépendants sont en capacité de les suivre sur ce terrain. Pour tenter de rééquilibrer les choses, la sénatrice Laure Darcos (LR) a proposé un texte de loi, adopté en juin au Sénat et début octobre à l’Assemblée nationale. L’idée ? Créer un tarif de livraison minimum applicable à toutes les commandes de livres.

« Aucune promotion possible »

Le montant n’est pas encore précisé. Le Syndicat de la librairie française salue la proposition, qui mettra fin à une « distorsion de concurrence »,
et plaide pour qu’il se situe
« entre 3 et 5€ ». Sur le papier, l’intention semble louable. Mais n’est-ce pas déjà trop tard ?
C’est la question posée par Henri-Noël Gélineau. « On ne change pas les habitudes de consommation aussi facilement, estime le gérant de la Librairie de l’université. Pourquoi les gens se déplaceraient-ils alors qu’ils trouvent tout en ligne. Les confinements successifs ont renforcé ce comportement. D’autant qu’ils doivent aller de plus en plus loin vu que le nombre de libraires a fortement diminué. »
 La multiplication des zones commerciales autour de Poitiers, au fil des années, a entamé son moral. C’est d’ailleurs en constatant la baisse de fréquentation du centre-ville qu’il a décidé, dès 2014, de vendre le siège historique de son établissement rue Gambetta pour s’expatrier à Migné-Auxances.

Son exemple est emblématique. Initialement, Henri-Noël Gélineau souhaitait se consacrer à la vente en ligne. Mais comme certains clients l’ont suivi, il a trouvé dommage de leur fermer la porte au nez ! Il considère toutefois que le tarif minimum de livraison ne changera rien. Il préfèrerait « uniformiser les prix des transporteurs », de l’éditeur ou de son magasin vers le client. Mais là, c’est une autre histoire… Il s’est donc spécialisé sur un marché de niche : 80% de son stock est composé de livres rares et/ou épuisés. Ses clients s’acquittent en conscience de frais de port plus élevés. Mais pas toujours. « Le vrai problème, c’est qu’aucune promotion n’est possible avec la loi Lang sur le tarif unique du livre, regrette le gérant. On est quand même l’un des seuls commerces qui ne fixe pas le prix de ses produits. »
 Il a hélas vu la situation se dégrader d’année en année. Ce qu’il souhaite désormais, c’est transmettre son stock exceptionnel à un autre libraire. A bon entendeur.

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