Clément Clisson. 23 ans. Installé à Mazeuil, près de Mirebeau. Pratique l’ultradistance cycliste depuis quelques années. A remporté deux Bikingman cet été et, surtout, la Race Across France 2020 (2 600 km). « Vélotaffe » à raison de 80 kilomètres par jour. Signe particulier : se lance des défis, toujours plus relevés.
Steve Henot
Le7.info
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Il est venu et il a gagné, presque aussi simplement qu’il peut le raconter. Le 9 septembre, Clément Clisson a remporté le Bikingman Euskadi, une course d’ultradistance à vélo de… 1 000 kilomètres et 23 000 mètres de dénivelé positif (!), qui traverse plusieurs cols pyrénéens mythiques. Le Poitevin de 23 ans a terminé cette boucle en un peu moins de 58 heures. « J’avais oublié que je m’y étais inscrit, raconte le jeune conseiller de vente cycles. J’ai reçu un rappel de l’organisation, quelques jours avant. Mon responsable m’a dit « Je te donne tes jours » et je suis parti. » Deux jours seulement après sa victoire, il était déjà de retour à la boutique. « Ça tirait un peu ! »
Assis au milieu des modèles d’exposition, Clément se raconte avec un naturel désarmant. Ne comptez pas sur lui pour se vanter de ses performances hors norme. « C’est dans mon caractère, je ne cherche pas à calculer. » Le jeune homme, qui s’attache à « rester discret », a aujourd’hui du mal à passer inaperçu dans le milieu de l’ultracyclisme. Et d’autant plus depuis la Race Across France 2020. Lui qui n’avait alors jamais gagné une course en neuf ans de vélo s’est adjugé le 2 600 kilomètres, de Mandelieu-la-Napoule au Touquet, devant des coureurs professionnels. Un exploit retentissant. « Ça m’a fait vraiment plaisir et me motive à continuer », explique-t-il.
Une course contre le sommeil
Clément a remis son titre en jeu cet été. Avec malheureusement moins de réussite. « J’ai abandonné au bout de 2 000 kilomètres. Je n’ai pas assez dormi avant et pendant la course. Je me suis mis la pression, j’étais tout de suite dans la compétition et la confrontation. Ça change beaucoup de choses, on dort moins et moins bien, on loupe des ravitos… J’en ai tiré de gros enseignements, ça ne fait pas de mal. » En premier lieu que le sommeil demeure précieux. Il s’était déjà fait peur, l’année dernière, dans l’ultime ligne droite. « Je me suis endormi sur le vélo et j’ai chuté. Ça m’a réveillé ! Le vélo était nickel, j’ai pu repartir. »
Dans l’ultradistance, la victoire revient « à celui qui s’arrête le moins », ce qui pousse les athlètes à puiser très loin dans leurs ressources, quitte à jouer avec le feu. « C’est vraiment spécial, très dur à comprendre de l’extérieur », convient Clément, même si la discipline -extrême- réunit chaque année de plus en plus d’adeptes, toujours plus jeunes. Le cycliste, aujourd’hui licencié à Vouillé, l’a découverte dans des magazines et vidéos sur Internet. « J’ai toujours aimé faire des trucs étonnants, surprendre, explique celui qui a d’abord pratiqué le football, puis le judo en club. Tu es dans ta bulle, tu improvises et tu as la sensation de faire un truc sympa. C’est aussi savoir repousser ses limites pour se connaître un maximum. » La première fois, c’était pour rejoindre ses parents en vacances au Mont-Dore : 250 kilomètres le premier jour, 150 le lendemain. Il a chopé le virus.
Il « vélotaffe » 80km par jour
En randonnée comme sur les routes, Clément cherche aussi la connexion avec la nature. Un cadre apaisant, qui égaie parfois les longues sorties solitaires. « Des fois, tu t’ennuies sur le vélo, tu en as un peu marre. Alors tu te raccroches à des choses toutes bêtes, comme les vaches qui te regardent passer. » Son moment préféré ? « Le lever du soleil, répond-il sans hésiter. On se sent tranquille, il n’y a personne. Puis vient le premier arrêt à la boulangerie pour t’enfiler un café, avec l’odeur des croissants… C’est un plaisir simple. »
Chez lui, le vélo est au centre de tout. C’est à la fois son loisir, son métier et son principal mode de déplacement. En effet, il « vélotaffe » chaque jour, de la maison familiale à Mazeuil, près de Mirebeau, jusqu’à Poitiers-Sud. Soit 80km aller-retour. On ne connaît pas meilleure promotion pour les mobilités douces ! « C’est ce qui me sert d’entraînement, avec de plus grosses sorties le week-end, dit ce fan d'Alberto Contador. Je ne fais pas trop attention à la récupération, à l’osthéo, au kiné… Mais je sais que j’en fais déjà trop ! » Sa passion, exclusive, a tout de même une limite : celle de son corps éprouvé par un effort prolongé, quasi ininterrompu. « Je n’ai pas forcément envie de reprendre le vélo dans les jours qui suivent une course. » Jusqu’au prochain défi, toujours « plus loin ». La Transcontinentale -4 000 kilomètres à travers l’Europe- est dans un coin de sa tête.