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Steeve Danchet. 42 ans. Poitevin de naissance. Steward à Air France dans le civil et arbitre international de tennis depuis plus de vingt ans. A participé aux plus prestigieux tournois de la planète, dont Roland-Garros actuellement. Signe particulier : bavard et ouvert aux autres.
Il est à Roland-Garros comme chez lui. A 42 ans, Steeve Danchet en est aujourd’hui à sa 26e participation sur le Grand chelem parisien et compte parmi les arbitres français les plus expérimentés du tournoi. Il a supervisé plusieurs matchs de qualification la semaine dernière et s’attaque désormais aux premiers tours du tableau principal. Avec une passion intacte. « C’est un tournoi qui a plus de 100 ans… Comme les joueurs, tu n’as pas envie de te louper quand tu y vas. »
Djokovic, Nadal, Thiem… Le Poitevin de naissance a arbitré les meilleurs joueurs de tennis des vingt dernières années. « Sauf Federer. » De toutes ces rencontres, Steeve se souvient surtout des échanges avec Pete Sampras, son idole de jeunesse. « Il m’avait souvent dans le nez. Quand il n’était pas d’accord avec une décision, il me le faisait savoir ! », rigole cet amateur du service-volée.
A ses débuts dans la discipline, il ne s’imaginait pas vraiment faire carrière sur une chaise d’arbitre. Steeve rêvait plutôt d’aller se frotter au gratin mondial. « A l’époque, déjà, on voulait jouer contre ceux du Pôle espoir de Poitiers. Je n’étais pas si loin du niveau pro mais je stagnais », analyse l’ancien licencié du Tennis-club de Scorbé-Clairvaux. Il a découvert l’arbitrage à 15 ans, en acceptant de superviser la fin d’une compétition dont il était éliminé. « J’étais plutôt à l’aise, je voyais bien la balle. » Convaincu par l’expérience, il est donc allé tenter sa chance au concours national du jeune arbitre, à Roland-Garros. Retenu dans les deux premières sélections, il est désigné juge de ligne sur un match du tournoi, l’année suivante. « Je me suis retrouvé sur le court central auprès d’André Agassi, se souvient-il. A ce moment-là, j’ai compris que c’était ce que je voulais faire. »
Sur la terre comme dans les airs
Devenu arbitre international en 2000, Steeve a officié sur les tournois les plus prestigieux de la planète, de l’US Open à Wimbledon, en passant par Roland-Garros. Une carrière trépidante, mais difficile à concilier avec une vie de famille. A la naissance de son deuxième enfant, en 2007, il décide de raccrocher. Du moins partiellement. A l’issue d’un stage, il rentre à Air France comme steward, mais continue de consacrer huit semaines dans l’année à la compétition. « L’entreprise prend en compte mon statut de sportif de haut niveau, qui me permet de me libérer pendant les tournois, explique-t-il. J’ai une vie plus équilibrée aujourd’hui. »
Pour Steeve, l’avion n’était pas une vocation, encore moins un rêve d’enfant. A ce sujet, la petite phrase polémique de Léonore Moncond’huy n’a pas manqué de faire réagir autour de lui. « Elle ne nous a pas fait une belle pub. C’est dommage car Air France fait le maximum, aujourd’hui, pour que les avions polluent moins… » Le quadra ne serait pas entré dans l’aérien sans un collègue arbitre, lui-même steward. « Je n’aurais pas pu être dans un bureau, cinq jours sur sept, estime celui qui se partage aujourd’hui entre Poitiers et Paris. Là, tu vas de ville en ville, tu changes de culture, tu croises des clients différents toutes les semaines… Chaque vol est une nouvelle aventure. C’est une vie de rencontres. » Qui lui permet, parfois, de repérer ses futurs lieux de vacances.
Au-delà des voyages, cet amateur d’art -il cite Klimt ou Picasso- voit des similitudes entre ses deux casquettes. « L’esprit d’équipe, d’abord. Et il faut savoir être à l’écoute des clients et des joueurs, qui ont chacun des besoins différents. Bref, s’adapter à eux. » Volontiers « bavard », Steeve n’a pas à forcer sa nature pour aller vers les autres. Il croit tenir ce trait de son père, d’origine antillaise, avec qui il a tapé ses premières balles à 8 ans, le soir à la sortie de l’école. « Quand nous allions en Guadeloupe, il avait l’habitude d’inviter les voisins à venir terminer la bouteille de rhum. » Mais il convient aussi de savoir garder son sang-froid, face à un incendie à bord ou devant le caractère volcanique d’un Fognini. « L’homme n’est pas forcément comme le joueur. »
Il aime transmettre
Dans le genre, Benoît Paire est un gros client. « Je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’il fait et tout ce qu’il dit, mais sur l’ambiance des tournois, tout le monde pense la même chose que lui, convient le Poitevin. Tu ne partages rien, les stades sont vides, creux… C’est triste de devoir faire comme si. » Dans cette année traversée par la pandémie, Steeve a trouvé du plaisir dans l’Ultimate Tennis Showdown (UTS), un nouveau format de compétition porté par le coach français Patrick Mouratoglou. Il forme notamment arbitres et joueurs aux nouvelles règles de cette épreuve, qui en est déjà à sa 4e édition. « Les matchs se jouent en quarts temps, avec un système de cartes bonus, explique Steeve. Ça devient plus tactique et ça va beaucoup plus vite. » Conçu comme un « show », l’UTS a surtout vocation à toucher un public plus jeune, tourné vers les plateformes numériques. Et à entretenir l’intérêt pour la discipline. « C’est d’autant plus important que le tennis a perdu des licenciés sur cette période (plus de 30 000 en France, ndlr). C’est déjà un succès, les joueurs en redemandent. » Peut-être le dernier « challenge » de Steeve, qui aime transmettre sa passion de la petite balle jaune. « J’ai eu la chance de faire tous les tournois pros au monde. Je m’investis plus dans la formation d’arbitres aujourd’hui. Les voir arriver sur le circuit est une vraie satisfaction. »
DR - Antoine CouvercelleÀ lire aussi ...