Hier
Julien Jacob. 40 ans. Comédien. A passé son enfance à Châtellerault. Sensible à l’humour et à son tempo. S’est fait une place sur les planches parisiennes. Dès que possible à l’affiche de Papy fait de la résistance, aux côtés de Martin Lamotte et Catherine Jacob, au Théâtre de Paris.
Pour son premier rôle sur scène, Julien Jacob a joué… un ours ! Enfin plutôt un ourson. « J’avais une dizaine d’années, j’étais malade, je devais avoir 40°C de fièvre sous mon costume mais j’avais quand même voulu jouer. Ce qui était déjà très professionnel ! », conclut-il avec malice. En vérité, le petit Châtelleraudais d’alors était loin de s’imaginer brûlant les planches des théâtres parisiens quelques années plus tard. Timide, il avait déjà « compris que l’humour [le] sauvait » et il s’était « créé un personnage drôle », auprès de ses cousins et amis essentiellement. Mais dans son imaginaire enfantin, les costumes faisaient davantage partie d’un folklore familial joyeux. « Nous faisions beaucoup de repas de famille déguisés. C’était mes grands-parents qui avaient initié ça », se souvient-il, plus inspiré à l’époque par les vrais uniformes de son oncle policier et de son grand-oncle gendarme. « Je voulais être inspecteur de police, j’ai même espéré faire partie du GIGN ! »
Logiquement, en quittant les bancs du lycée Berthelot, l’enfant d’Antoigné s’est donc inscrit en fac de droit, à Poitiers. « A 18 ans, j’ai eu le permis, le bac et la Coupe du monde ! » résume-t-il, conquérant. Cette belle assurance a été de courte durée. « Il n’y avait que le droit pénal qui m’intéressait, ça ne suffisait pas… » Ses années estudiantines, « quatre parce que j’ai redoublé deux fois », n’ont pas vraiment eu le goût de l’insouciance. « Je n’étais pas vraiment serein car j’avais l’impression d’aller droit dans le mur. » Un reportage télévisé sur le Cours Florent lui a offert une échappatoire inattendue. « Je me suis dit que ce serait un bon plan B. » Juste un plan B car « pour moi comédien n’était pas un métier ». Encore moins pour ses parents, l’un banquier, l’autre employée chez Aigle. Il en fallait plus que « des facilités à déclamer en cours de français » et des imitations, fussent-elles réussies, pour les convaincre de la vocation de leur fils unique.
A l’école de la commedia dell’arte
Ironie du sort ou caprice du destin, « j’ai été pris au Cours Florent et j’ai loupé mon Deug de deux points. Quand même, on aurait pu me le donner à l’ancienneté ! », s’indigne faussement le comédien. La plaisanterie n’a pas été du goût de ses parents. Sans l’appel salvateur d’un professeur de la Comédie française, qui a plaidé son potentiel, il se retrouvait sans vivres. « Mon père m’a laissé un an. En parallèle, j’ai travaillé dans une boutique de prêt-à-porter, rayon femme. Cela a été très formateur… pour savoir plier les vêtements. » Sourire. Rapidement, Julien a fait ses preuves sur les planches, tout en complétant ses cachets par de petits contrats au Musée Grévin, au Parc Astérix...
« Tout est devenu plus simple la première fois que mon père m’a vu jouer. Cela s’appelait Comme dans un rêve de Molière. Ce n’était pas très glorieux et la compagnie n’était pas très professionnelle… », ironise-t-il. Qu’importe, ce jour-là, il a définitivement gagné le droit de faire du théâtre, de développer ce « talent comique » et cette « compréhension du rythme » qu’il pressentait en lui.
« Pendant ma formation au Cours Florent, j’avais fait un stage de commedia dell’arte. Le directeur de la compagnie m’a rappelé deux ans après et j’y suis resté pendant dix ans. » Paradoxalement, cette expérience lui a appris à « tomber le masque ». Le jeune homme qui avait si « peur du jugement » s’est épanoui sous le regard du public. « A bien y réfléchir, ce n’est pas aussi paradoxal que cela, car sur scène ce n’est pas moi. J’aime la composition des personnages, ce qui, pour moi, passe par la voix. Je l’ai compris aux côtés de mon maître, Michel Vuillermoz. Dans Le Porteur d’Histoire, j’incarne dix personnages : Alexandre Dumas, un garagiste, un pape qui parle en latin, un fossoyeur… », s’amuse le comédien de 40 ans, comblé de jouer sous la direction d’Alexis Michalik. « J’aime aussi interpréter les méchants, avoue-t-il. Et les rôles de flic ! C’est un peu ma revanche sur la vie... »
Dans Papy fait de la résistance(*), qu’il répète actuellement aux côtés de Martin Lamotte et Catherine Jacob -aucun lien de parenté connu -, il n’a rien d’un méchant dans le rôle de Michel Taupin. Mais « Le Splendid, c’est clairement toutes mes références, j’adore ! »
"On ne fait pas ce métier par hasard"
La tentation du cinéma est venue beaucoup plus doucement. « Au début, j’étais très craintif devant la caméra. » Il y a presque vingt ans, à Montmorillon, en tant que figurant dans Un long dimanche de fiançailles, Julien s’était retrouvé « tétanisé devant la caméra de Jean-Pierre Jeunet ». Depuis il est apparu dans une pub télévisée pour les surgelés Marie, des courts-métrages, la série Moloch d’Arte… « C’est un livre de Michel Serrault qui m’a libéré de la peur de la caméra. Pour la conjurer, il disait s’imaginer que les techniciens de plateau étaient les spectateurs et qu’il jouait pour un public. C’est ce que j’ai fait. » Au point que le comédien, saxophoniste et grimpeur à ses heures perdues, confesse désormais « une envie de séries », qu’il consomme assidument sur les plateformes. « Je me dédouane en disant que c’est pour le métier, plaisante-t-il. Je trouve que la série est un format qui permet d’aller au fond des personnages, de les faire évoluer comme on ne peut pas le faire dans un film d’une heure et demie. »
A l’instar de beaucoup d’artistes, Julien vit assez mal l’oisiveté. La déprime le traque jusque chez lui, à Montreuil. Le public lui manque, ses personnages aussi. « On ne fait pas ce métier par hasard. Au début, je l’ai fait pour la reconnaissance, pour avoir devant moi un public qui riait. Aujourd’hui, j’aime donner du plaisir aux gens et je me sens légitime dans ce que je fais. Ce métier me permet d’avancer sur moi. »
(*) Les premières représentations devaient avoir lieu au Théâtre de Paris en mars, puis en avril… France 2 en diffusera une captation le 1er juin en prime time.
Crédit photo : Nikola Carton.
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