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Yannick Soreau, 55 ans. Artisan fumeur. Depuis son fief de Lavoux, le Boucanier du Poitou aime tenter de nouvelles expériences, en cuisine comme dans sa vie. Passionné de chevaux, il a aussi fondé les Ecuries de l’Instant en 1995. Signe particulier : se remet rapidement en selle après les chutes.
Il est très satisfait du résultat… Yannick Soreau vient de recevoir une proposition de logo pour sa jeune entreprise. Quand on cherche à se faire une place au soleil, on ne plaisante pas avec son identité visuelle. L’image représente l’un des boucaniers qui sillonnaient les Antilles au XVIIe siècle. Selon le Petit Larousse, ces aventuriers « chassaient le bœuf sauvage pour fumer la viande ». Le bonhomme porte une dague à la ceinture. Une façon de rappeler que Yannick a commencé par être apprenti coutelier, à Thiers. Et sur ses larges épaules repose un fusil qui fait référence à l’armurerie de la place du Marché, à Poitiers, qu’ont tenu ses parents pendant trente ans, jusqu’en 1995.
En autodidacte
Yannick Soreau est Le Boucanier du Poitou. Son métier : artisan fumeur. Depuis un peu plus d’un an, il a aménagé un laboratoire aux normes réglementaires dans un corps de ferme à Lavoux. Cet endroit exigu contient des frigos, un large plan de travail et, surtout, le précieux fumoir où les volutes issues de la combustion du bois de hêtre viennent caresser truites, magrets, saucissons et même quelques fromages à l’occasion. « C’est petit mais comme je travaille seul, ça me convient très bien », confie modestement le quinquagénaire à la veste brodée. Yannick est un autodidacte. Salage, fumage, maturation, tranchage… Il a tout appris par passion en y ajoutant sa touche personnelle. A l’occasion, goûtez donc sa truite façon « gravlax » !
Yannick adore tenter de nouvelles expériences culinaires. Et justement, ce matin-là, son ami Sylvain est venu lui proposer de confectionner un boudin blanc au spéculos fumé. Sylvain est boucher « à façon ». Autrement dit, il se déplace au domicile de ses clients pour les aider à débiter et transformer de grosses pièces de viande. Ce métier méconnu est très complémentaire de celui de Yannick. Ensemble, ils font des merveilles. « On partage des idées, on fait des tests, il m’encourage. Il fait partie de ces gens qui n’hésitent pas à se lancer dans de véritables processus de création pour faire la différence. » Il est fait du même bois. Selon lui, « après la crise, seuls les restaurateurs qui pratiquent le « fait maison » s’en sortiront. » Halte à l’uniformisation et à la malbouffe. La tendance est là. Et à l’entendre parler de ses fournisseurs, « Hubert » (Mitteault à Chalandray), « Adrien » (Le Moulin de Cerzay à Assais-les-Jumeaux) ou « Emmanuel » (La Ferme du Maras à Chauvigny), ce n’est pas du vent. « Je sais comment sont fabriqués les produits, j’ai toujours une histoire à raconter aux clients. »
Sa vocation d’artisan fumeur est pourtant arrivée sur le tard. On peut aimer la bonne cuisine, préparer de bons petits plats pour sa compagne et sa fille de 9 ans, mais de là à en faire son métier, il y a un monde. A la base, son truc, c’était le cheval. Et pas en rôti ! « Depuis toujours, je rêvais de monter, mais comme mon père faisait du moto-cross, j’en ai fait aussi… » Son père était président du Motoclub du Poitou qui gérait la piste de Buxerolles qu’on aperçoit depuis la RN147. Yannick se prend au jeu pendant six ans et participe à des compétitions nationales. Mais au retour de son service militaire, il se lance corps et âme dans l’équitation. « Equilibre, vitesse, saut… J’avais déjà de bonnes bases avec la moto ! ».
Le rêve américain
Une idée lui trotte dans la tête : ouvrir son propre centre équestre. Yannick ne fait pas les choses à moitié ! Un ami agent immobilier va précipiter les choses. Un domaine lui tend les bras à Lavoux. A 30 ans, le passionné ouvre les Ecuries de l’instant. Les affaires marchent bien. Puis en 1999, il croise la route d’un homme, lui-même propriétaire de plusieurs centres équestres aux Etats-Unis. « Je suis parti pour devenir manager d’écurie et mener en parallèle une carrière de cavalier de concours. » Le rêve américain. Las… Après quelques mois passés entre Boston et Palm Beach, les promesses ne sont pas tenues. « Je préfère avoir tenté ma chance que regretter », commente-t-il aujourd’hui. Impossible de revenir en arrière. Yannick veut tourner la page et préfère louer son centre équestre à Lucie Colas, qui l’exploite encore aujourd’hui.
Yannick devient vendeur pour l’enseigne de matériel équin Horsewood, à Lille, histoire de se refaire la cerise tout en restant dans son domaine de prédilection. Puis nouvelle expérience au magasin de Pau. Déménagement obligatoire à l’autre bout de la France. L’aventure se terminera par un licenciement économique et un retour à la maison. Distributeur de produits naturels puis animateur en grandes surfaces… Yannick se concentre surtout sur la cuisine et fabrique lui-même un premier petit fumoir. Le début d’une nouvelle aventure. Tous ces changements ont souvent bousculé sa vie personnelle. « Le plus dur était le départ aux Etats-Unis, j’étais fiancé, elle n’a pas voulu me suivre. Pour le reste, j’ai gardé des amis partout. » Dans sa vie, les mots « pourquoi pas » ont toujours devancé l’expression « à quoi bon ». C’est un état d’esprit. « J’aime bien prendre de grandes décisions. » Et quand il tombe de cheval, Yannick remonte immédiatement en selle. Ses anciennes vies professionnelles ne figurent pas sur son logo… Et pourtant, elles l’ont forgé.
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