Hier
Depuis deux semaines, jour et nuit, le Théâtre-auditorium de Poitiers est occupé par des intermittents et acteurs de la culture. Après des mois d’inactivité, la grogne monte dans les rangs et la précarité grandit. Trois participants témoignent.
Leur situation, un an après
Jonathan, 36 ans, musicien : « Plein de spectacles ont commencé à s’annuler dès le mois de mars. Ils ont été repoussés, parfois plusieurs fois avec les hésitations du gouvernement. Personnellement, j’ai pu rejouer assez régulièrement dans l’été mais à partir de l’automne, c’était fini. »
Marion, 37 ans, comédienne : « A part les interventions en établissements scolaires et en entreprises, mon activité a baissé de 92%. J’ai un spectacle en création qui aurait dû sortir, qui ne sort pas et sur lequel on a perdu tous nos pré-achats, ainsi que des résidences. On n’a même plus l’argent pour finir de créer un spectacle dans lequel on a déjà engagé deux ans de travail. Bien sûr, on peut faire des résidences, mais comment fait-on pour les financer ? »
Guillemette, 26, comédienne : « Il y a eu la Covid juste après la fin de mes études. Je n’ai donc aucun statut, je suis juste une comédienne qui essaye de travailler. Ça faisait un an et demi qu’on était en processus de création avec des copines… La première fois, ça a été déplacé, la deuxième fois reporté, puis la troisième, annulé. En toute honnêteté, j’ai un peu perdu espoir. Malheureusement, je dois reprendre mes études. »
L'occupation du TAP
Guillemette : « Ce matin (mercredi), j’en ai eu tellement marre de ne rien faire que je suis allée au théâtre pour voir ce que les gens du métier faisaient et essayer d’apporter mon aide. Je ne savais même pas qu’il y avait une AG ! Je me suis assise et j’ai écouté. »
Marion : « Il y a des enseignants, des gens de la restauration, des métiers de la santé… On a de l’interpro et des précaires parmi nous, en situation de RSA. On a vraiment de tout. (…) Le soir, on a la charge de préparer l’AG du lendemain en fonction de celles qui ont eu lieu avant. Mais aussi de s’occuper des locaux, de veiller à ce que ce soit propre et au respect des gestes barrières… Puis c’est du temps de débat, de 18h jusqu’à tard dans la nuit. On parle d’énormément de choses. Comme de la réouverture des salles parce que c’est quelque chose que l’on met en dernier dans nos revendications, il faut expliquer pourquoi. Mais aussi de ce qu’est le mot « culture » dans la société, de l’émotion qu’on transmet en tant qu’artiste au service d’un message politique. En vrai, on se parle, on n’est pas toujours d’accord, on s’engueule, on fait la paix… On essaye de faire converger ces débats vers notre combat qu’est le retrait de la réforme de l’assurance-chômage. »
Leurs revendications
Marion : « Chacun est concerné par cette réforme, dès qu’on sort de l’emploi. (…) Il y a les intermittents, mais aussi les saisonniers, les extras… Toutes ces personnes ont été dans des situations d’intermittence, de contrats interrompus. Aujourd’hui, elles sont passées au régime général et donc n’ont aucune aide. »
Jonathan : « L’année dernière, il avait été assez simple d’obtenir des aides, on n’a pas eu à se battre. (…) On avait demandé que l’année blanche soit prolongée jusqu’à un an après la reprise du travail. Mais celle-ci n’a toujours pas eu lieu. Dans les faits, l’année blanche a été prolongée uniquement pour les intermittents et ce jusqu’à fin août 2021. C’est pourquoi on demande aujourd’hui un filet de sécurité de manière à ce que les gens puissent reprendre le travail tranquillement, sans se retrouver dans la misère. »
Marion : « C’est bien joli de nous dire que les salles vont rouvrir, mais comment on nous accompagne ? On ne pourra pas faire une reprise d’emploi à hauteur de ce qu’il se passait avant. C’est pour ça qu’il y a un accompagnement à mettre en place et, pour l’instant, il n’y a rien. »
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