
Aujourd'hui
La crise de l’hôtellerie et de la restauration, ce sont des dirigeants exsangues, des clients malheureux, mais une autre dimension passe relativement inaperçue. En France, près de 100 000 jeunes se retrouvent actuellement sans perspective d’emploi, privés de stages ou d’apprentissage. Faute d’activité, les employeurs ne les accueillent plus. La situation économique est telle que la formation n’est clairement pas la priorité de ces derniers.
Vinciane, 20 ans, en BTS management de l’hôtellerie et restauration au lycée Kyoto, à Poitiers, vient de subir un énième refus d’un établissement en Dordogne. « La mobilité, ce n’est pas le problème, je peux aller en France et à l’étranger, précise-t-elle. Mais les rares offres sont vite pourvues et au-delà de huit semaines de stage, la loi oblige les employeurs à nous rémunérer. Ce n’est pas possible pour eux. » « Soit l’établissement est fermé, soit le patron nous dit que vu la situation, il ne peut pas nous prendre », poursuit Héléana, 18 ans, en terminale. Après son bac pro, elle aimerait directement faire une saison dans le sud de la France pour se confronter à la réalité du terrain et toucher son premier salaire. Mais tout cela est suspendu à l’avancée de l’épidémie.
A Kyoto, les terminales n’ont effectué que douze semaines de stage en entreprise en trois ans, la moitié de ce qui était prévu. La perspective de travailler en restauration collective ou en Ehpad, où l’activité a repris, ne les enchante pas. Le dernier contact de Pauline avec le milieu professionnel remonte à novembre… 2019. Aujourd’hui, elle donnerait tout pour pouvoir réaliser son dernier stage, le plus long, celui qui l’intéresse le plus dans l’optique de la suite. Avec souvent une perspective d’emploi à la clé. Las… « Je n’y pensais pas avant, mais maintenant, j’envisage sérieusement de poursuivre mes études en BTS. » Histoire de rester à l’abri en attendant que l’orage passe.
« Tout le secteur est paralysé, analyse le proviseur de Kyoto, Christian Barrault. Quand l’activité repartira, il faudra être le meilleur pour décrocher un poste. » Alors les élèves se préparent en simulant des entretiens d’embauche. Mais évidemment tous craignent de manquer d’expérience le moment venu. A court terme, certains ont même peur de rater leurs examens, comme Bastien, en dernière année de bac pro cuisine. « On doit remplir des fiches d’activité liées à notre expérience en entreprise. Moi je n’ai pas grand-chose à dire. Et puis on n’a pas fait les menus du restaurant d’application. » Et pour cause, celui-ci a réduit ses horaires d’ouverture et n’accueille plus que les élèves de l’établissement.
Tous dénoncent le manque de perspective. « Le gouvernement a posé un mur devant nous, estime Vinciane, convaincue comme l’ensemble de la filière que les restaurateurs seraient capables de faire respecter les règles sanitaires. Certains camarades sont découragés. Pourquoi continuer si on n’a pas de travail à la fin. » « J’ai le sentiment que ma vie est sur pause », conclut Bastien qui, lui, rêve de retourner voir les restaurateurs et les pâtissiers du coin pour discuter avec eux, tout simplement.
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