Responsable des programmes d’exploration du système solaire au Centre national d’études spatiales (Cnes), Francis Rocard décrit Mars comme un milieu très hostile à la vie. Du moins en surface. Parti depuis cinq ans, le robot Curiosity continue de transmettre des données importantes sur la planète rouge. Il animera une conférence gratuite, ouverte à tous, le 16 novembre (20h30) à l'Espace Mendès-France.
Pourriez-vous décrire les conditions d’existence sur Mars ?
« La gravité y est un peu plus faible que sur Terre. La température varie de 0°C le jour à -100°C la nuit, de façon très reproductible d’un jour à l’autre. Sauf quand il se produit des tempêtes de poussières… Les saisons sont bien marquées et durent deux fois plus longtemps que les nôtres. La pression est faible, comme sur Terre à une altitude de 40km. Elle est d’environ 6 à 10 millibars, contre 1 000 millibars sur Terre. Les variations sont fortes, ce qui crée, par exemple, des tempêtes extrêmement fortes. L’environnement est très hostile. Les missions Viking, en 1976, ont abouti à ce constat. Il n’y pas d’eau liquide en surface, il fait trop froid et la pression est insuffisante. D’autre part, le milieu est très oxydant. Enfin, sans couche d’ozone, les UVB qui provoquent des cancers arrivent jusqu’en surface. En revanche, y a-t-il du vivant en profondeur sur Mars ? On se pose encore la question. Et par ailleurs, il s’agit d’identifier la présence d’une vie ancienne sur cette planète, il y a environ 3,5 milliards d’années quand Mars était une planète chaude et humide. »
Des nouvelles de Curiosity, qui vient de fêter son cinquième anniversaire ?
« Curiosity s’est posé en août 2012 dans un cratère de 150km de diamètre qu’on appelle Gale. C’est un ancien lac. Il doit aller au pied du Mont Sharp dans une zone où se trouve de l’argile. Malheureusement, les contraintes sur place l’ont obligé à se poser à une dizaine de kilomètres. En outre, Curiosity a dû contourner une gigantesque dune pour ne pas s’ensabler. C’est ce qu’il a fait depuis son atterrissage. Il devrait arriver à destination d’ici l’été prochain. La mission devait se terminer en deux ans, elle a donc pris énormément de retard. Le terrain s’avère beaucoup plus accidenté que prévu. La source nucléaire ne lui fournit pas une énergie folle. Curiosity parcourt en moyenne dix-sept centimètres par jour. Son record est de seulement 40m. Mais il faut bien comprendre aussi que Curiosity effectue de nombreuses analyses sur le chemin. »
Pourquoi explorer les argiles ?
« Ils se forment dans des milieux ni trop acides ni trop basiques, avec beaucoup d’eau. Ils constituent donc une preuve que Mars a été chaude et humide. Ils remontent logiquement à une époque où l’émergence du vivant était possible. C’est aussi un minéral « feuillé » susceptible d’emprisonner des organismes vivants. »
Quelle est la suite du programme Curiosity ?
« La mission Mars 2020 a pour objectif de collecter des échantillons provenant du sol martien dûment sélectionnés et de les mettre dans un conteneur. Quand ce Petit Poucet aura terminé, il abandonnera ce conteneur. Plus tard, si la Nasa le décide, l’idée sera d’envoyer un atterrisseur à proximité, aller chercher le conteneur pour le mettre sur une petite fusée, un véhicule d’ascension martienne comme dans le film « Seul sur Mars », et l’envoyer en orbite. Enfin une dernière mission ira l’intercepter pour le ramener sur Terre d’ici cinq à six ans. Réussir un aller-retour sera aussi le signal qu’on peut envoyer des humains. »
Combien de temps faut-il pour aller sur Mars ?
« Selon la trajectoire, sept à onze mois sont nécessaires. Depuis Spoutnik, on n’a pas vraiment fait de progrès en matière de propulsion. La vraie révolution viendra du nucléaire, mais cela pose d’autres problèmes, notamment la sécurité au lancement. Finalement, on pourrait aller plus vite, mais il faudrait alors trouver le moyen de freiner là-bas pour ne pas passer à côté. »