mardi 24 décembre
Que disent les jeunes des religions ? 130 adolescents se sont réunis la semaine dernière à Poitiers pour échanger sur ce thème et dénoncer les discriminations dont ils sont témoins ou victimes. Le dialogue avec l’Etat s’avère compliqué.
La religion, un truc de vieux ? Un phénomène dépassé dans nos sociétés occidentales empreintes de technologies et de sciences ? Pas vraiment… On les accuse de tous les maux, parfois on les loue leur rôle. Bref, les religions sont si présentes dans notre quotidien que même les athées s’interrogent. La semaine dernière, 130 adolescents sont venus à Poitiers de toute la France pour échanger sur ce thème qu’ils avaient choisi depuis presqu’un an. Tous sont membres du Réseau jeunes et investis dans la vie de leurs centres sociaux et maisons de quartier. Pour certains, la religion est un véritable support de réflexion. « On vit une jeunesse difficile, on a plein de combats à mener, ma religion est un pilier qui me donne envie de devenir une meilleure personne », assure Maoudé, 17 ans, de Poitiers. « Sans ma religion, je serais perdu. Elle me fixe des règles, un cap », poursuit Mahel. Et les lois de la République dans tout cela ? « On voit que la loi est parfois défaillante alors que la religion est une conviction intime qui nous apaise pour devenir de bons citoyens », poursuit Kandjoura. Derrière ces mots, on entend un sentiment d’injustice face à certaines discriminations ressenties au quotidien. D’ailleurs, parmi les jeunes présents, beaucoup ne sont pas croyants mais prennent le parti de leurs camarades. Comme Tina, originaire de Dordogne : « Je suis athée mais je connais beaucoup de croyants victimes de brimades et de discriminations. Il faut y mettre un terme car nous sommes humains avant tout. »
La Marseillaise, non merci
Ces ados sont-ils représentatifs ? Urbains ou ruraux, de tous milieux socioprofessionnels, ils sont en tout cas ancrés sur le terrain. Ils défendent haut et fort la liberté de pratiquer une religion... ou pas. Mais ont le sentiment d’être inaudibles. La dernière tragédie en date n’a pas arrangé les choses. La secrétaire d’Etat à la Jeunesse et à l’Engagement, Sarah El Haïry, a passé la matinée de jeudi avec eux pour échanger sur ce thème d’actualité. Les jeunes lui ont fait des propositions : « être informés sur les religions à l’école par des gens formés », « pouvoir porter des signes religieux à partir du lycée », « former davantage les agents de police pour réduire les contrôles au faciès et toutes les formes de discriminations ». Certains médias sont également au cœur de la rancœur. « Vous devez faire en sorte qu’ils informent au lieu de stigmatiser et donnent la parole aux personnes directement concernées par le sujet. » Les ados espéraient « des réponses et des changements concrets ». Mais ils n’ont pas eu d’engagement ferme de la ministre, qui a préféré rappeler les valeurs de la République et la loi de 1905. Dialogue de sourds. De quoi susciter la frustration de la salle. Résultat : lorsque la représentante du gouvernement a invité l’assemblée à chanter la Marseillaise, plusieurs groupes d’ados ont refusé, trouvant l’hymne national « trop virulent alors que les religions prônent la paix », témoigne Noémi. « Je l’ai fait pour nous unir », s’est justifié Sarah El Haïry. Las…
« Il est primordial d’accepter d’ouvrir le débat avec les jeunes et moins jeunes des quartiers, réagit sur Twitter Vincent Divoux, directeur du centre socioculturel des Trois-Cités. Ouvrir le débat ne veut pas dire être d’accord avec tout mais permet d’écouter et comprendre à la fois ce qu’ils vivent, ce qu’ils perçoivent, comprennent et ressentent. » « Si l’Etat ne veut pas nous entendre, nous passerons par des actions locales », argue Tina. Message reçu à Poitiers. Kentin Plinguet, adjoint à la maire de Poitiers chargé de la Jeunesse (lire ci-dessous), s’est engagé à soumettre à sa collègue en charge de l’Education l’idée de créer « des groupes de parole dans les écoles municipales pour aborder les sujets de société, la laïcité et les religions ».
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