Chercheur de solutions

Thierry Ferreira, 52 ans. Docteur en biologie-santé. A troqué sa blouse de chercheur pour le costume de chef d’entreprise à deux reprises, en créant Carbios et ConicMeds à partir d’innovations technologiques. Il met désormais son expérience au service de la Fondation de l’univer- sité de Poitiers. Signe particulier : veut être utile à la communauté.

Romain Mudrak

Le7.info

Il est à sa place. Son nouveau bureau, au premier étage de l’hôtel Aubaret, est à son image : sobre et opérationnel. A 52 ans, Thierry Ferreira vient d’être choisi sur concours pour diriger la Fondation de l’univer- sité de Poitiers. La fonction est belle et correspond parfaitement à son profil. Son rôle ? Dénicher des projets d’où qu’ils viennent -étudiants, enseignants, personnel administratif- et les financer grâce au mécénat d’entreprise (lire aussi en page 16 du 7 de cette semaine). « Nos moyens sont limités, mais il s’agit d’aider intelligemment les porteurs de projet en procurant des compétences, un coup de projecteur ou en finançant, par exemple, une manipula- tion-clé pour un chercheur qui engendrera un effet de levier. » La Fondation soutient des projets d’inclusion d’étudiants handicapés, l’épicerie sociale, l’éco-campus, délivre des bourses aux apprentis... Autant de valeurs sociales et écologistes dans lesquelles Thierry Ferreira se reconnaît parfaitement. Mais surtout ce quinquagénaire né dans le Médoc se retrouve dans ce poste un peu à la croisée de sa carrière. L’universitaire a endossé la blouse blanche du chercheur en biologie cellulaire aussi bien que le costume du fondateur de startup. Il connaît les difficultés des créateurs à l’avant-garde de leur domaine de prédilection. « Je ne suis pas un bon politique, mais je suis très opérationnel. » Désormais, il compte mettre son expérience au service des autres.

A l’avant-garde

Son arrivée à Poitiers remonte à tout juste vingt ans. Après une thèse de biologie obtenue à Bordeaux et deux années de post-doc à l’université de Yale, sur la côte Est des Etats-Unis, Thierry Ferreira se spécialise dans l’étude des cellules. Et surtout des propriétés moléculaires des membranes cellulaires impliquées dans l’apparition de certaines pathologies. Mais voilà, concentré sur ce sujet, il est sollicité en 2011 sur tout autre chose : le plastique biodégradable. A l’époque, Ségolène Royal, présidente de la Région Poitou-Charentes, fait de la question environnementale son cheval de bataille. Avec Valagro, le chercheur développe des enzymes qui, une fois inté- grées dans la composition du plastique, finissent par ronger la matière pour la faire disparaître.

Ça marche ! La startup Carbios est cotée en bourse dès 2013. Son destin est prometteur -il n’y a qu’à taper son nom dans un moteur de recherche actuel pour comprendre- mais il se joue malheureusement loin de Poitiers, à Clermont-Ferrand où se trouve un partenaire industriel. Thierry Ferreira reste associé à l’aventure jusqu’en 2015 avant de lâcher les rênes pour retourner à son sujet de prédilection. Rebelote. Deux ans plus tard, il met au point avec son équipe du laboratoire Signalisation et Transports Ioniques Membranaires (CNRS/UP) un candidat-médicament pour traiter des maladies respiratoires obstructives, comme la mucoviscidose ou la broncho-pneumopathie chronique. ConicMeds voit le jour en même temps qu’un laboratoire collaboratif pour maintenir le lien avec l’université. L’un de ses programmes vient de recevoir le soutien de la Région pour son action potentielle contre la Covid-19.

« Je suis idéaliste »

« Comme disait Pasteur, il n’existe pas de sciences appliquées, mais seulement des applications de la science. » Thierry Ferreira veut être utile à la société. « Je suis très idéaliste. J’ai voulu sauver les océans de la pollution plastique et maintenant vaincre la maladie. Mais ce n’est pas aussi simple. Le développement est long. »  Thierry Ferreira se dit « à la fois pessimiste et optimiste ». Explications : « Je m’appuie toujours sur le constat le plus réaliste possible de la situation, sans me faire d’illusion, mais je reste en permanence convaincu qu’on peut trouver la solution. » Et pour cela, quoi de mieux que de s’appuyer sur les enseignants-chercheurs et professeurs de l’université de Poitiers. « La société n’a jamais eu autant besoin d’une université ouverte, d’une agora, pour répondre à ses problématiques. » Autant dire que des problèmes, il y en a en ce moment en France et dans le monde ! Pourtant, au confluent de nombreuses opinions, il ressent « l’envie des gens de participer à un projet commun. » Avec toute l’humilité qui le caractérise, Thierry Ferreira prête une « oreille attentive » aux demandes du monde socio-économique et des collectivités. C’est le rôle qu’il compte donner à la Fondation. Et il y prendra toute sa place.

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