Hier
Syrk. Peintre, dessinateur. graffeur. IIlustrateur. La rue est son terrain de jeu, le musée Sainte-Croix son théâtre d’exposition jusqu’en février 2021. Aussi discret sur sa vie privée que prolixe à l’heure d’évoquer son travail.
La photo a été prise le mois dernier à Paimboeuf, en Loire-Atlantique. Le street-artiste y apparaît à la fenêtre de l’association 13Arts, un bras sur son visage, au milieu de l’une de ses dernières œuvres. Il ne dévoilera pas davantage d’éléments que ces deux tatouages sur ses avant-bras et son sourire qu’on devine mutin. A la table des confessions, Syrk avance masqué, soucieux de préserver son quasi-anonymat. A la manière d’un Banksy, le Poitevin originaire des Landes entretient le mystère autour de son personnage. C’est voulu. « Le plus important, ce n’est pas à quoi je ressemble. On est dans une société où les gens se mettent beaucoup en avant. Tout le monde veut être une star. Moi, ce n’est pas mon truc. Les réseaux sociaux, je m’en sers uniquement pour présenter mon travail, pas pour poster des photos de vacances... »
Sa ligne de conduite lui réussit. Syrk, savant mélange des lettres de son prénom et de son nom, vit de son art depuis seize ans. Avec, consécration ultime, cette exposition au musée Sainte-Croix, à Poitiers, jusqu’en février 2021. Le graff au musée, sacrée reconnaissance ! « Ça fait forcément plaisir... Le samedi des Journées européennes du patrimoine, cinq cents personnes sont venues découvrir l’expo. » Peintures sur toile, illustrations à l’encre, sérigraphies... Le lieu emblématique donne à voir une part de son univers si particulier dans lequel les animaux occupent une place de choix. De roi ? « Disons que j’aimerais qu’on les considère un peu plus, qu’on les respecte et leur redonne leur vraie place sur cette planète. »
Autodidacte
Son bestiaire coloré et « bienveillant » ne s’accompagne d’aucun mode d’emploi. A chacun d’« imaginer sa propre histoire, la page d’avant et celle d’après ». Le gamin dont les murs de la chambre étaient « recouverts » de dessins a démarré à Bordeaux, en 2003. A l’instinct, « sans connaître de graffeur ». Flotte au-dessus du street-art comme un parfum de liberté. Il l’aime ce parfum. « En fait, je trouve beaucoup plus simple de peindre dans la rue que de pousser la porte d’une galerie. Tout le monde vit avec la rue, la galerie on n’y entre pas comme ça. »
« Les passerelles se font assez facilement »
L’Irlande, l’Angleterre, Bordeaux, Toulon... Syrk a pas mal voyagé et continue d’exporter son style inimitable à intervalles réguliers. A Glasgow et l’île Maurice (une fresque au parc Vanille), il a laissé « quelques traces de son passage ». Et à chaque fois qu’il part en vacances, il s’efforce d’emmener quelques bombes ou d’en acheter sur place. Cet « acharné de travail » a aujourd’hui le « luxe » de choisir sa clientèle. Et aussi le recul pour analyser la perception du graff par le grand public. « Le « vandale » (fait de peindre sur des murs non autorisés, ndlr) entraîne toujours des amendes faramineuses. Mais j’ai l’impression que les gens ont un œil plus bienveillant sur les graffeurs. Il y a une sorte de guéguerre entre le vandale, le graffiti et la galerie. Moi, je ne rentre pas dans ces débats. Les passerelles se font assez facilement. »
Syrk abhorre le fait de « mettre des gens dans des cases » et revendique un certain éclectisme. Là encore, sa carrière parle pour lui. On peut exposer au musée Sainte-Croix, réaliser une fresque sur le mur d’une enseigne de la grande distribution et signer des illustrations pour un stickers mag de la marque Molotow. En tout cas, lui n’y voit aucune incompatibilité. Du mur à la toile, de l’illustration au graff, de Strasbourg à Limoges, l’artiste se sent comme un poisson dans l’eau partout où il peut dessiner. On revient à cette liberté acquise, aussi, grâce à la notoriété. « Les seuls travaux que je refuse sont ceux qui s’éloignent trop de mon style, où je suis contraint. » Le reste le rend « heureux ». Comme sa vie de famille sur laquelle il jette un voile pudique. A contre-courant de l’époque mais en cohérence avec lui-même.
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