Aujourd'hui
Le Chauvinois Michel Grain a vécu le Tour de France dans les années 60, de l’intérieur, aux côtés des Anquetil, Poulidor, Ocaña... Des noms qui habitent ses souvenirs de cycliste professionnel et d’amoureux, presque malgré lui, de la petite reine.
« On aimerait bien qu’un Français gagne le Tour. Alaphilippe pourquoi pas ? C’est un attaquant et quand il a quelque chose dans la tête... » Michel Grain a raccroché le vélo depuis des années mais au bar-PMU A l’Espérance de Chauvigny, les habitués connaissent sa carrière. Sur la vitrine de « (s)a maison secondaire », son nom s’étale en toutes lettres au-dessus d’une fresque le représentant à vélo. « Elle a été peinte à partir d’une photo prise sur le terrain d’aviation de Poitiers, c’était le vélo de Lucien Aimar. »
Michel Grain a beau feindre avec humilité d’avoir remisé ses souvenirs, ils sont là, toujours bien présents. « Je regarde toutes les courses que je peux », avoue- t-il. Cycliste professionnel entre 1964 et 1970, redevenu amateur jusqu’en 1978, il a été le coéquipier de Jacques Anquetil. Rien que ça ! « Les gens le prenaient pour quelqu’un de prétentieux, mais il était tout le contraire. Très gentil. C’était un grand monsieur. » Le Chauvinois d’adoption, originaire de Saint-Georges-lès-Baillargeaux, a roulé avec d’autres grands noms comme Pingeon, Poulidor, Ocaña, Bernaudeau... Il a tour à tour porté les couleurs de Saint-Raphaël, Ford et Bic. Il a gagné le Grand Prix du Midi Libre en 1967, pris le départ de deux Tours d’Italie, deux Tours d’Espagne, cinq Tours de France. « Pour un cycliste professionnel, il faut faire le Tour de France au moins une fois, c’est grandiose, assure-t-il. J’aurais aimé gagner une étape, j’ai fait trois fois deuxième... » A défaut, l’ancien de l’Union vélocipédique poitevine, formé à Joinville, était aux côtés de Lucien Aimar lorsqu’il a remporté la Grande Boucle en 1966. « Jacques Anquetil avait abandonné », précise-t-il simplement.
« On reprenait en début d’année sur la Côte d’Azur »
« On parle toujours des grands champions, mais il y a les autres, comme Rik Van Looy... » Un généreux coureur belge. « Avant, si vous creviez, vous répariez ! Et vous n’aviez pas le droit de vous abriter derrière une voiture pour revenir. Une fois, dans une montée, j’ai crevé à l’arrière. Rik Van Looy m’a fait passer une roue de sa voiture... C’était interdit », chuchote Michel Grain dans un sourire malicieux. Il y a prescription bien sûr. Les temps ont changé, le Tour un peu aussi.
« A l’époque, nous n’avions pas d’oreillette. » Moue dubitative. « Et puis les vélos étaient plus lourds. On perçait les poignées de freins ou les plateaux pour les alléger. Et on n’avait que cinq ou six vitesses, aujourd’hui ils en ont dix ou onze. » Même les entraînements étaient plus restreints. « Il fallait faire attention l’hiver et on reprenait en début d’année sur la côte d’Azur. Il n’y avait pas d’autres stages. » Si c’était à refaire ? « Je serais plus sérieux », lâche, sibyllin, celui qui avait rêvé d’une carrière dans le foot. La semaine dernière, en bus et entre copains, il a reconnu le parcours de l’étape Chauvigny-Sarran. « Ça va être dur. Pourvu qu’il ne pleuve pas ! Car il y a des zones dans les bois qui pourraient être glissantes, et puis c’est très vallonné par endroits, ce qui est parfois plus difficile que de monter un col. Il faudra toujours être devant, pour être sûr d’être dans le bon coup. » Depuis 1995, une course porte son nom, « La Michel Grain », à Nieul-l’Espoir. Il y assiste tous les ans mais a toujours résisté à l’appel de la petite reine, de peur d’être mis au défi. Car il le sait, « je ne voudrais pas me faire lâcher ! » glisse-t-il. A bientôt 78 ans, il a choisi les voyages, la Thaïlande, le Canada, l’Afrique, Dubaï... Prochaine étape, si la Covid le permet : la Russie.
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