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Médecine légale : « Pas d’autopsie sans scanner »
Catégories : Société, CHU Date : mardi 23 juin 2020Dans son quatrième ouvrage En direct de la morgue, paru chez Plon, Michel Sapanet, montre « la vraie vie » d’un médecin légiste du CHU de Poitiers. L’occasion d’évoquer les problématiques de son métier, dont le manque de moyens accordés aux autopsies.
Vous défendez l’idée d’une « médecine légale 2.0 » et, surtout, l’usage du scanner à chaque autopsie. Pourquoi ?
« Les morts criminelles sont avant tout violentes. Et les violences laissent des traces. A une époque, la seule façon de les voir, c’était d’ouvrir le corps. Le scanner permet maintenant d’effectuer une analyse osseuse, de voir la trajectoire d’une balle, d’étudier la boîte crânienne. Et si vous voulez observer son contenu, on a l’Imagerie à résonance magnétique (IRM). La Suisse a développé le concept de virtopsie qui intègre dès le début les images du scanner, l’artériographie et l’IRM, de la surface à la profondeur. Dans beaucoup de dossiers, on n’a pas besoin d’ouvrir, juste d’effectuer des micro-prélèvements. Ce n’est pas la fin de la médecine légale, c’est une avancée. »
C’est surtout important pour les familles...
« L’idée n’est pas de gagner du temps. Il faut penser à la famille. C’est paradoxal, elle veut toujours savoir ce qu’il s’est passé mais aimerait éviter l’autopsie. Ouvrir, prélever le cœur, le cerveau ou les yeux, avec toute leur symbolique, c’est choquant pour les proches. Bien que ce soit parfois incontournable. Mais doit-on ouvrir le crâne si le scanner nous dit que le cerveau n’a rien? »
D’où vient le frein ?
« Un procureur a rarement des connaissances scientifiques. Il peut être conseillé mais rien ne l’oblige à suivre les conseils. Tout dépend de la personne. C’est pourtant lui qui décide des investigations médicales. Je peux comprendre ses contraintes budgétaires. Le scanner et tous les examens complémentaires ne sont pas dans le forfait de l’autopsie. Ce qui augmente les frais de justice. En fin d’année, c’est encore plus difficile. Mais un médecin légiste ne peut pas se passer d’un scanner. A défaut, je rédige des conclusions adaptées dans mon rapport... »
Dans votre livre, vous décrivez précisément les scènes. Comment opérez-vous sur place ?
« C’est important d’aller sur le terrain. On n’intervient pas avant la police scientifique car il ne faut pas polluer la scène. Elle ne touche pas le corps. Moi, j’opère en trois cercles : d’abord l’extérieur, le quartier, ensuite la maison et, enfin, la victime et son environnement direct. Cela me donne une vision globale que j’aime bien partager avec l’enquêteur. Croiser les regards, c’est fondamental. »
20 à 50 homicides par an
En 2011, la réforme de la médecine légale a concentré tous les moyens dans les CHU. Exit les généralistes de campagne qui avaient une double activité. A Poitiers, le service compte une vingtaine de personnes dont huit médecins légistes pour un budget de 1M€, financé par le ministère de la Justice. Pour des raisons pratiques, l’institut médico-légal est couplé aux chambres mortuaires qui accueillent les patients décédés à l’hôpital, mais aussi à l’unité médico-judiciaire qui reçoit des « vivants ». 520 « morts suspectes » ont été analysées en 2019. 310 ont nécessité une autopsie complète. Entre 20 et 50 corps sont liés à des homicides. Les autres, ce sont des accidents, suicides, morts naturelles surprenantes... Le saviez-vous ? 3 500 organes prélevés sont conservés dans un espace de 100m2. Ils constituent des scellés pour la justice.
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