Hier
Sandrine Dangleterre. 49 ans. Atteinte du syndrome d’Usher. Sourde de naissance, cette habitante de Migné-Auxances voit son champ visuel se réduire progressivement. Se réfugie dans l’écriture pour communiquer avec l’extérieur et faire comprendre aux autres ce qu’elle vit.
A Migné-Auxances, la rue Michèle Moet-Agniel n’est pas encore répertoriée par les GPS. A tort. La biographie de cette femme née en 1926 à Paris nous renseigne pourtant sur son activisme pendant la Seconde Guerre mondiale. Une résistante de la première heure, à l’image de celle qui habite désormais dans ladite rue d’un lotissement neuf. Sandrine Dangleterre est née à Douai mais demeure depuis vingt ans dans la Vienne. Atteinte de surdité à sa naissance -« je vis dans le silence, je ne perçois aucun son »- elle aura mis... trente ans avant de savoir de quoi elle souffrait réellement. « A l’âge de 9 ans, j’ai remarqué que je ne voyais pas la nuit ni sur les côtés. Mais l’ophtalmologiste a simplement diagnostiqué une myopie. »
Les années ont passé, sa vue a baissé et, à force d’examens, le verdict est tombé Elle souffre du syndrome d’Usher, de type 1. « Contrairement à vous qui avez un champ de vision de 180°, je vois comme dans un canon de fusil », explique-t-elle. Chaque geste du quotidien est donc un défi permanent. « Pour lire du courrier ou des magazines, j’utilise un téléagrandisseur qui permet de grossir les lettres et d’inverser les couleurs pour être moins éblouie » Même technique s’agissant des SMS ou des courriels, agrandis pour les distinguer. L’acceptation de son handicap, son combat pour « vivre comme tout le monde », son goût du voyage, des odeurs et du toucher, Sandrine Dangleterre les raconte par le menu dans un livre paru au printemps 2019 et intitulé Les voyages d’une Usher(*).
« Je ne suis pas un monstre »
La Nordiste, passé par la fac de Staps -elle est ceinture noire de judo- mais interdite de passer le Capes, a trouvé dans l’écriture l’exutoire idéal. Au point de commettre un deuxième ouvrage récemment, de fiction celui-là : La mystérieuse vie d’une Usher. « Quand je croise des gens, certains ont peur. Ils ne connaissent pas la maladie d’Usher et fuient par manque d’informations. Mais je ne suis pas un monstre. » Il en va du grand public comme des éditeurs, tous réticents à publier l’auteure poitevine. Qu’à cela ne tienne, elle n’a pas renoncé, pour le plus grand plaisir de quelque « 600 lecteurs ».
« Elle ne pensera jamais votre fille ! »
D’ailleurs, la ténacité semble être une marque de fabrique chez elle. Sandrine a appris le braille pour équiper sa maison de repères tactiles et simplifier les gestes les plus banals. Elle peut aussi compter sur Dany, qui l’aide à « faire ses courses » et a permis à votre serviteur de l’interroger grâce à la Langue des signes française. Une phrase, prononcée par l’une des institutrices de maternelle, a agi comme un déclencheur : « Elle ne pensera jamais votre fille ! » La presque quinquagénaire n’a jamais oublié cette forme d’humiliation pour ses parents, anciens enseignants aujourd’hui installés en Charente-Maritime. Sandrine pense, éprouve, communique, imagine, devine. Elle vit.
D’ailleurs, sa soif de voyages n’est toujours pas étanchée. De la Grèce à la Belgique, de la Turquie à l’Inde, la Poitevine compte douze pays à son carnet de bord. Dans Les voyages d’une Usher, l’écrivaine partage ses souvenirs dorés et la manière dont elle a « surmonté tous les obstacles ». Une leçon pour celle qui n’aspire qu’à sensibiliser les autres au syndrome dont elle souffre. « Sans honte ni peur », précise-t-elle, comme apaisée. Bien sûr, les visages et les sourires se dérobent plus vite qu’avant, les balades au grand air comportent leur lot de dangers, la luminosité des magasins l’éprouve... Bref, la vie d’Usher est parsemée d’embûches. Plongée dans le monde du silence, Sandrine Dangleterre est entrée en résistance comme une certaine Michèle Moet-Agniel à une autre époque.
(*) Les deux premiers livres de Sandrine Dangleterre sont disponibles en librairie.
À lire aussi ...