La biodiversité au révélateur du confinement

Confinement et biodiversité sont des mots qui vont bien ensemble... Enfin, a priori. Des experts locaux partagent leurs observations en cette période si particulière.

Romain Mudrak

Le7.info

Spontanément, on pourrait penser que le confinement est bon pour la biodiversité. La végétation reprend ses droits dans certaines zones urbaines habituellement piétinées par les passants. Mais l’humain, c’est désormais prouvé, est plein de ressources quand il s’agit de nuire à la nature… Lydia Bourdeau en sait quelque chose. « Les premiers jours du confinement ont été terribles parce que les gens se sont mis à jardiner, raconte la responsable du Centre de soins de la faune sauvage de la Vienne. Ils ont taillé les haies, nettoyé les fonds de jardin, là où les hérissons, les écureuils et plein d’autres animaux se cachent pour donner naissance à leurs petits. »

Cette Châtelleraudaise a enregistré une soixantaine d’entrées en un mois, soit presque deux fois plus que d’habitude à cette période de l’année. « Depuis trois semaines, les habitants de la Vienne peuvent m’apporter les animaux directement au centre, précise-t-elle. Je leur transmets une dérogation par email pour autoriser leurs déplacements. » En outre, elle reçoit actuellement trois fois plus d’appels venant d’autres départements car beaucoup de centres sont fermés.

Moins de collisions avec les véhicules

Un point positif : le nombre de collisions avec les voitures et les camions a considérablement diminué. A commencer par les chouettes et hiboux. « J’en ai profité pour relâcher plein d’animaux sauvages qui avaient passé l’hiver au centre », note Lydia Bourdeau. Les insectes aussi bénéficient de la réduction de la pollution lumineuse la nuit. Plusieurs communes de France ont d’ailleurs choisi d’éteindre complètement l’éclairage public, principalement sur les sites touristiques désertés.

« Processus de dispersion »

« Attention néanmoins à la reprise des activités humaines », alerte Freddie-Jeanne Richard. Cette enseignante-chercheuse au laboratoire d’Ecologie et biologie des interactions à Poitiers explique que beaucoup d’espèces sont intuitivement soumis au « processus de dispersion », qui les conduit inexorablement à aller prospecter de nouvelles zones de nourriture et d’habitat, ce qui permet aussi de mélanger les lignées. « C’est le cycle naturel, aujourd’hui des animaux se rapprochent des routes plus calmes. J’invite les gens à rester très vigilants après le déconfinement. »

L'agriculture pollue toujours

Cette universitaire se réjouit toutefois de « l’arrêt du transport aérien pour lutter contre le réchauffement climatique ». Elle salue aussi le recul de la consommation de pétrole au niveau mondial. Mais Freddie-Jeanne Richard ajoute surtout qu’il convient d’« identifier l’origine de la pollution pour chaque territoire. Or, ici c’est l’agriculture. Et cette activité continue durant le confinement. » Les travaux de Vincent Brétagnolle, chercheur au Centre d’étudesbiologiques de Chizé ont montré l’impact de l’activité agricole sur la disparition des oiseaux (lire Le 7 n°396 en page 14). Reste maintenant à penser le monde d’après.

 

Les chevreuils sous emprise
Chaque année, à cette période, Lydia Bourdeau est appelée pour récupérer des chevreuils égarés en zone urbaine. "Deux facteurs expliquent cela, précise l'experte. D'abord, ils raffolent des bourgeons de Bourdaine qui provoquent chez eux un effet d'euphorie comme s'ils étaient alcoolisés. D'autre part, c'est un moment de coupe intense dans les forêts, cela les effraie." Autrement dit, la présence de cervidés dans les villes n'est pas surprenante. Elle est juste plus visible en cette période de confinement.
Crédit photo : Lydia Bourdeau.

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