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Karina Doux, 62 ans. Russe. Est née à Grozny, a étudié et travaillé à Moscou avant d’emménager en 2007 à Saint-Benoît. Dans ses bagages : la passion du yoga.
Assise en tailleur sur le tapis coloré de sa salle de yoga, sous le regard bienveillant de son Bouddha, Karina Doux parle à voix feutrée, comme pour atténuer son petit accent plein de « r » roulés. Une douzaine d’années après son arrivée à Poitiers, il continue de trahir joliment ses origines. « Je suis née à Grozny, en Russie », précise la professeure de yoga de 62 ans. Enfant, elle a également vécu en Biélorussie où son père ingénieur pétrolier a pour un temps emménagé avec son épouse et ses deux filles.
Lorsqu’il a été muté en Algérie, Karina, l’aînée, est restée pendant deux ans auprès de ses grands-parents avant de poursuivre, à partir de 1973, des études d’ingénierie à l’Université d’Etat du pétrole et du gaz, à Moscou. « En mathématiques appliquées », précise la scientifique de formation, peu portée sur les mathématiques pures. « C’était une époque insouciante. Bien sûr, la société était fermée mais les relations humaines étaient plus faciles, il n’y avait ni pauvres, ni riches, pas de jalousie entre les gens... Et dans la Russie soviétique, chaque parcours était écrit. » Les choses présentaient le visage d’une simplicité rassurante pour la jeune femme, qui a commencé par « travailler comme ingénieure-informaticienne dans un institut militaire ».
La naissance de ses deux filles a momentanément suspendu sa carrière, poursuivie ensuite dans le tourisme, un secteur fraîchement déverrouillé par la Pérestroïka. Karina a ouvert sa propre agence, Nordway International Company, et, par curiosité, en 2002, s’est portée volontaire pour être famille d’accueil du tour-opérateur Eurofamille.
Le premier touriste à franchir le pas de sa porte a été... Daniel, son futur mari ! « C’est le premier touriste français que j’ai vu de ma vie ! s’exclame-t-elle en souriant. C’est un vrai hasard de vie. Il était venu à Moscou avec sa fille, qui apprenait le russe. » Une nouvelle fois, les yeux de Karina s’embuent. « Je suis émotionelle », confie-t-elle à la recherche du mot adéquat. Emotive donc, déterminée également. « Je sais ce que je veux. » En témoigne son installation à Poitiers, en 2007. 2002-2007, le temps d’une longue correspondance, émaillée de voyages, entre Karina et Daniel. « Pendant ces cinq années, nous avons visité Saint-Pétersbourg, les Pyrénées... Nous nous rencontrions par-ci par-là. » Jusqu’à ce que Karina déménage à Saint-Benoît, au cœur de cette culture française dans laquelle elle avait longtemps baigné.
« Ma grand-mère avait tous les volumes de Zola dans sa bibliothèque, Dumas aussi... Personnellement, j’ai lu Balzac quand j’étais étudiante. » Ses parents avaient également rapporté d’Algérie « une grande sensibilité à la culture française », à travers la musique notamment, « Dalida, Enrico Macias... ». Désormais, « environ une fois par an », Karina fait le chemin inverse et retourne dans sa Russie natale. « J’ai mon petit-fils là-bas ! » Edouard, 6 ans. « Mon père aussi s’appelait Edouard », glisse-t-elle avec douceur.
« Le yoga, ça change tout »
« Les deux premières années en France, j’étais passionnée par la découverte. Pendant deux ans, j’ai appris le français à la fac de lettres. Cela s’est compliqué quand j’ai commencé à chercher du travail. Dans un premier temps, j’avais pensé continuer à distance, mais c’est difficile de vivre dans un pays et de travailler dans un autre. » Karina s’est donc tout naturellement tournée vers une passion ancienne, le yoga, découvert alors qu’il n’en était qu’à ses prémices en Russie. La yoguiste se souvient encore d’« une visite de B.K.S Iyengar à Moscou dans les années 80 ». Elle a aussitôt adhéré à sa « méthode de rigueur », est même allée jusqu’en Inde pour l’approfondir.
« Le yoga correspondait à ce que je cherchais, pour garder un calme intérieur malgré les événements de la vie, pour être capable de maîtriser son corps. Lorsque j’étais plus jeune, j’étais très... dispersée, j’oubliais des choses. Le yoga m’a aidée à rester concentrée. C’est quelque chose de très profond, ça change tout, assène-t-elle. Et puis je m’étais toujours dit que je l’enseignerais un jour. »
Karina donne actuellement des cours au Cercle laïc poitevin, à Poitiers, mais aussi à Vouillé, Champigny-le-Sec, Naintré... Si elle a réussi à convertir son psychologue de mari ? « Ah non, il n’est pas convertible !, s’exclame-t-elle. De toute façon, c’est bien que chacun ait son espace. »
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