Les médecins de ville aux avant-postes

Maillon essentiel de la chaîne sanitaire qui s’est mise en place depuis le début de l’épidémie de Covid-19, les médecins de ville sont en première ligne, avec des moyens qui ne sont pas toujours à la hauteur des gestes barrières rabâchés ici et là. Malgré tout, ils sont là et s’organisent.

Laurent Brunet

Le7.info

De cette « guerre » contre le Covid-19, ils sont un peu les fantassins. Les médecins de ville agissent en première ligne pour détecter une suspicion de coronavirus, en deuxième ligne pour assurer le suivi des patients contaminés confinés à domicile, en troisième ligne aux côtés des malades convalescents après une hospitalisation… Et ce sans pour autant délaisser les autres pathologies, qui n’ont pas gentiment décidé de faire une pause pour cause d’épidémie, et sans attendre d’être parfaitement équipés contre les risques d’infection.
« La pénurie de masques a été une vraie catastrophe pour tous les soignants », note le Dr Franck Duclos. Le président de l’Ordre des médecins de la Vienne déplore que l’approvisionnement en matériels (gants, surblouses, lunettes, gel hydroalcoolique…) tienne parfois encore du système D ou d’un heureux hasard. Heureusement, outre le dispositif sanitaire global, réfléchi conjointement et évolutif selon l’activité épidémique, la solidarité fonctionne à plein entre les acteurs de santé.
Néanmoins, qu’ils travaillent seuls, au sein d’une maison de santé, ici ou là, tous les médecins de ville -ou de campagne- ne sont pas logés à la même enseigne. « Mais on ne va pas se cacher et arrêter de soigner les gens ! », assène le Dr Duclos.  
Président de l’Union régionale des médecins libéraux, Philippe Boutin a parfaitement conscience « des disparités territoriales par rapport aux mesures de protection ». A Poitiers, la maison de santé des Couronneries (35 professionnels), où il officie, est convenablement dotée en matériel de protection, a pu organiser un parcours sécurisé pour les patients et également « un rappel à J+ 3 et J+7 quand un diagnostic de Covid-19 est suspecté ».
De fait, le suivi est essentiel. « Le Covid-19 est une maladie qui commence doucement et peut s’aggraver très rapidement, rappelle le Dr Duclos. Nous travaillons actuellement à l’organisation du suivi, soit par le médecin traitant, qui sera chargé de recontacter le patient, soit ce suivi sera délégué à la plateforme territoriale d’appui ."

Un mot d’ordre : la téléconsultation

Au-delà des gestes barrières, dans la plupart des cabinets, l’organisation est encore en cours en vue du pic de l’épidémie, probablement en milieu de semaine prochaine.  « Le mot d’ordre aujourd’hui est la téléconsultation. Nous souhaitons mettre à disposition des médecins une plateforme numérique qui aura été préalablement testée localement. Concernant les consultations physiques, soit on isole dans un créneau les personnes infectées a priori par le virus, soit on dédie un site, un cabinet médical, pour le Covid-19. » Aux médecins de s’organiser au mieux sur leur secteur.
« Certains ont des velléités de créer des centres de dépistage et de prescription Covid-19, poursuit le Dr Duclos. L’Ordre des médecins n’y est pas favorable, sauf peut-être si nous étions vraiment débordés. D’une part parce qu’il n’est pas de lieux plus adaptés que les cabinets médicaux pour les consultations, avec un médecin traitant qui connaît le dossier et les symptômes habituels du patient. D’autre part parce que cela reviendrait à stigmatiser les malades du Covid-19, à en faire des parias de la consultation médicale. »

Et les autres pathologies ?

A l’heure actuelle, les cabinets libéraux ne disposent pas de tests de dépistage, concentrés au CHU et depuis peu au laboratoire Bio 86, à Poitiers.  De toute façon, « ils sont jusqu’à présent réservés à quatre grands groupes de patients, lorsqu’ils sont symptomatiques : les professionnels de santé, les personnes présentant des maladies graves associées, les personnels de collectivité, notamment les Ehpad, et les femmes enceintes », précise le Dr Duclos.
« Actuellement, le plus gros problème est de traiter l’ensemble de la population sur les autres pathologies », avance le Dr Boutin.  Les plateaux techniques n’opèrent plus, nous ne pouvons pas assurer un délai pour les examens complémentaires… » De fait, complète le Dr Duclos, « on demande aux spécialistes de se rendre disponibles en reportant ce qui n’est pas urgent ». A eux de trouver le juste équilibre entre la disponibilité que requiert le Covid-19 et leur activité habituelle liée aux autres pathologies…

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