Petit journal d’une confinée pas toujours très fine. Jour 5.  

Chaque jour, la rédaction donne carte blanche à une Poitevine confinée parmi les autres. Une quarantenaire en « quarantaine », dont la plume vous accompagnera au cours des prochaines semaines.

Arnault Varanne

Le7.info

Pas toujours simple dans le contexte de tenir ses résolutions. J’ai rallumé la télé hier soir. CNews. J’entends la journaliste annoncer le témoignage d’un certain Raphaël. Il est « handicapé », « coincé chez lui » depuis 2011 à cause de la maladie et explique qu’il vit « une journée comme toutes les autres de l’année ». Il rappelle aussi que d’habitude « personne ne s’inquiète de lui ». Il ajoute ne jamais partir en vacances. Calmement, désespérément, il tente, à coups de mots lancés par la peur, de faire garder raison aux effrontés. « Il faut arrêter de sortir », ce n’est pas bien grave, ce n’est « que pour un moment »… Puis, l’émotion prend le dessus et les mots laissent place aux sanglots. Il pleure à chaudes larmes tout en continuant à parler, laissant pantois un plateau d’invités télé.

Je suis bouleversée. On en est là ?! Juste là… A ce que des personnes à mobilité réduite se sentent obligées de témoigner pour lancer des appels de bon sens à une population, dont une partie encore, est égocentrée ? Comme si elles seules pouvaient raisonner des gens bien trop habitués à leur confort à l’heure de la mondialisation. Elle est belle la mondialisation aujourd’hui ! A l’heure d’un week-end redouté par les autorités sanitaires, j’ai mal pour mon pays.

Comme je l’ai écrit dès les premiers jours, je ne comprends pas que certaines personnes soient si hermétiques aux mesures de bon sens. Elles m’agacent au plus haut point et entament quelque peu mon moral. Mais je veux les oublier ces inconscients. Je ne veux plus leur laisser de place dans ma vie désormais, les inquiétudes sont déjà assez présentes. Et c’est à moi seule de prendre les devants.

Fort heureusement, en ce samedi, cinquième jour de confinement, je constate que la plupart des personnes respectent bien les mesures. A la fenêtre de mon logement, je ne vois plus personne dehors. L’ambiance est lourde, presque historique. En face, collés à d’autres baies vitrées, les bras croisés, patients et solidaires, je vois un père et son fils. On dirait des vigies du haut de leur balcon. Image troublante et rassurante à la fois. En milieu d’après-midi, j’écoute l’intervention du nouveau ministre Olivier Véran. Quoi qu’on en pense, ce neurologue m’impressionne. Calme, face caméra et à un auditoire de questionneurs quasiment vidé, il semble être seul à la barre et explique les nouveaux points stratégiques. Allez, j’éteins cette fichue télé et je passe à autre chose !

Aujourd’hui, c’est aussi la grande sortie ! Je me rends au sous-sol, affublée comme jamais pour vider mes poubelles. Mission délicate pour la précieuse ridicule que je suis là. Face à cette situation pour le moins exceptionnelle, je mets mes gants et un masque périmé trouvé dans mes placards. On ne sait jamais, un voisin pourrait éternuer sur mon passage dans les escaliers. Au moins, j’ai le vieux masque, c’est rassurant. Mais pas pour ma coquetterie ! Et tu sais quoi cher journal, j’ai au fond, à ce moment-là, une seule crainte : celle de croiser le voisin assez sexy du premier ! C’est grave docteur ? Moi je me dis que ce genre de sentiments prouve que tout n’est pas totalement fini ! C’est bien de penser encore à plaire… ou pas.

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