Aujourd'hui
Lydia Bourdeau, 42 ans. Fondatrice du Centre de soins de la faune sauvage installé près de Châtellerault. Aussi passionnée que déterminée. Vit pour, avec et chez les animaux.
A l’évocation de Belle, le Montagne des Pyrénées de son enfance, sa voix s’assourdit. « Le nom n’est pas très original ! », plaisante aussitôt Lydia Bourdeau, comme pour éloigner une émotion sur le point de sourdre. « J’avais l’habitude de m’y accrocher. A cause d’un problème de bassin, je n’ai pu marcher qu’à 3 ans et demi... » Ce n’est pas tout. « Elle m’a aussi sortie des décombres quand le four à pain de mon père, qui était boulanger, a explosé. »
Au commencement, donc, étaient Belle et une petite fille « agoraphobe ». « L’école me paniquait, je pleurais tous les matins. Chez moi, je me réfugiais auprès de mon gros chien, des poules, des pigeons... » Rapidement les rôles se sont inversés. Lydia Bourdeau est devenue un refuge pour les animaux, ici, là et finalement dans un coin de nature châtelleraudaise. En 2008, elle y a créé un Centre de soins de la faune sauvage, une Arche de Noé dont elle est, à 42 ans, la capitaine dévouée, jour et nuit. Tant pis pour les vacances ! Pierre, son mari, et Louis, son fils de 16 ans, le savent et ont appris à cohabiter avec toutes sortes de pensionnaires à plumes et à poils. « On vit chez les animaux, comme dirait mon mari. Même pour mon mariage, je ne me suis autorisé qu’une demi-journée », confirme cette passionnée de toujours.
« A 12 ans déjà, je voulais être vétérinaire. Mes parents m’ont demandé si j’allais supporter de voir des animaux souffrir. » Lydia esquisse un sourire. « Je suis butée. Quand j’ai une idée en tête, je ne l’ai pas dans les pieds ! Ils m’ont envoyée une journée dans une clinique vétérinaire de Châtellerault. Première opération : l’amputation d’une patte de chien... J’ai tenu ! A partir de là, j’y ai passé toutes mes vacances scolaires ! » Elle ne savait pas que, des années plus tard, elle épouserait le fils du vétérinaire. « A l’époque, on ne s’entendait pas du tout... »
« On menait des opérations d’infiltration »
La faune sauvage est venue à elle sous la forme d’un petit lièvre. Légalement malvenu à la clinique. « Je me suis alors rendu compte qu’il n’existait pas de structures pour accueillir ces animaux. »
Logiquement, Lydia a entamé « une prépa véto, à Paris ». Pas une sinécure. « Je suis tombée dans l’anorexie. Je rentrais tous les week-ends chez mes parents retrouver mon chien, un autre Montagne des Pyrénées. » Amandine ? « Mon père n’en voulait pas, alors pour le charmer je lui ai donné un nom de gâteau. »
Tétanisée par l’idée de ne pas réussir, Lydia a échoué à son concours. Mais, déterminée, elle s’est inscrite en secret à l’Université libre de... Bruxelles ! « Pour payer mes études, je faisais des petits boulots. Un jour, dans une parfumerie, une dame m’a dit que j’avais le profil pour sa campagne de publicité Hugo Boss Woman, raconte la petite brunette, sans une once de forfanterie. J’ai découvert tout un monde d’événementiel. Je faisais des photos, des salons... Je portais des tenues complètement baroques. » Toute une vie parallèle.
« Puis en France, il y a eu l’Erika(*). A l’ULB, on nous a proposé d’aller donner un coup de main à la Ligue royale belge pour la protection des oiseaux, à Anderlecht. » Ni une, ni deux, la jeune femme y est restée pendant toute la durée de ses études. « On menait des opérations d’infiltration sur les marchés aux oiseaux illégaux. L’hiver, on allait chercher un cygne coincé dans la glace... On avait des moyens énormes : un Zodiac, une ambulance animalière... »
« Tous les jours, je reçois des animaux nouveaux »
Au bout de quatre ans, au lieu de six, l’étudiante a mis un terme définitif à ses études pour se consoler avec les hérissons. Objectif : trouver des solutions contre la météorisation (gonflement de l’abdomen). Comme le fenouil. « J’ai ensuite reproduit la posologie sur mon fils. » Sourire malgré un début de maternité plus qu’éprouvant. A sa naissance, Louis souffrait d’une grave maladie. Pendant deux ans, Lydia est restée auprès de lui.
Une étape vers la liberté
« Quand il a été sauvé, j’ai démissionné de la LPO de l’Ile Grande, en Bretagne. » Direction la Vienne, son Certificat de capacité faune sauvage en poche, avec en tête l’idée de créer son propre centre. Et quand elle a une idée en tête...
Avec le soutien de la fondation Brigitte Bardot, notamment, elle a installé ses premiers box à Beaumont. « Mes premières cages étaient des boîtes à pain », récupérées dans la boulangerie paternelle. « Depuis que mes parents sont à la retraite, je les ai sérieusement engagés. Mon père avec sa vieille fourgonnette pour les courses et ma mère pour le linge. Tous les jours, je reçois des animaux nouveaux. En période normale, j’en ai jusqu’à cent trente. Les cliniques vétérinaires me servent de points-relais et j’ai des bénévoles ambulanciers. » Mais personne dans le centre. « Ce serait stressant pour les animaux. Et pas que pour eux ! », renchérit-elle d’un air entendu.
Bambi, Blanche... Lorsque leur passage se prolonge, Lydia baptise volontiers ses hôtes. Un perroquet sur la tête, un chevreuil dans son ombre, un autre qui mordille les coins de son livre... Elle n’est jamais aussi bien qu’en compagnie des bêtes, qu’elle soigne pour mieux leur rendre leur liberté. « C’est un moment magique. Pour les chouettes, c’est fascinant : elles me regardent avant de prendre leur envol dans un silence majestueux, puis elles tournent un moment au-dessus de moi. » Sans oublier Mastoc, un marcassin trop « imprégné » pour recouvrer sa liberté. Le sanglier est devenu une vraie star de cinéma. Lydia le reconnaît parfois dans des documentaires... sur la faune sauvage !
(*)Pétrolier naufragé au large de la Bretagne, en 1999.
Crédit photo : CSFSP Pierre Mercier
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