
Aujourd'hui
A Corps encore
A partir de mercredi et jusqu’au 17 avril, la 31e édition du festival A Corps va dérouler à Poitiers sa riche programmation, joyeux mélange de danse, de jeunesse, de réflexion et de créativité.
Arrivé avant l’heure d’ouverture, il fait les cent pas. Il ne souhaite pas parler, expliquer pourquoi il attend devant le bâtiment du campus de Poitiers qui abrite l’épicerie solidaire. « C’est la première fois que je viens, j’attends un ami », lance-t-il. Un peu plus loin, Bamba est plus loquace. Pour lui aussi, c’est la première fois. « Je viens du Sénégal. Jusqu’à présent mon père prenait en charge mes études, mais maintenant il est à la retraite. » L’étudiant de 24 ans ne peut plus compter que sur le pécule de ses jobs d’été pour subvenir à ses besoins, soit 3 500€ pour l’année. Il s’est donc tourné vers le service social du Crous.
Ils sont 112, adressés par une assistante sociale, à bénéficier comme lui de l’épicerie solidaire mise en place par l’Association de la fondation étudiante pour la ville (Afev). Mais ils sont davantage dans le besoin. Selon une récente enquête menée en 2018 sur la vie étudiante(*), les étudiants poitevins disposent en moyenne de 640€/mois et dépensent 525€. En cas de difficultés financières, 79% d’entre eux pourraient être soutenus par leurs proches. Quant au quart restant...
Méconnaissances des dispositifs
Au même titre que le transport, le logement ou la santé, le budget est que l’un des paramètres essentiels de la vie étudiante. De fait, 26% des étudiants (sur 48 000) auraient, au moins une fois dans l’année, été dans l’impossibilité de faire face à des besoins primaires. Or, parmi eux 3% ont bénéficié d’une aide alimentaire, 11% de l’aide sociale d’urgence et 8% ont sollicité une assistante sociale. Soit très peu.
Tout le nœud du problème est là. « Un certain nombre d’étudiants ne connaissent pas les dispositifs qui s’offrent à eux », constate Nicolas Bégout, le président de l’Afev. « Ils leurs sont présentés à la rentrée, mais à ce moment-là ils sont focalisés sur leurs études », déplore Isabelle Lamothe, vice-président de l’université en charge de la Culture et de la Vie étudiante. L’aide sociale, qui mobilise 30% du Fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes (FSDIE), en est un parmi d’autres.
Multiplier les actions
« L’isolement, ce n’est pas être seul. La notion de solitude est féconde alors que l’isolement détruit le sujet lui-même. Il n’a plus accès au monde, tout s’effondre, reprend Isabelle Lamothe. L’isolement peut venir d’une certaine précarité. »Et il peut mener au pire. En témoignent les drames qui ont défrayé la chronique ces dernières semaines : un étudiant s’est immolé à Lyon le 8 novembre, un autre s’est suicidé par asphyxie à Clermont-Ferrand le 27 novembre, un troisième s’est défenestré le 4 décembre à l’école de commerce Kedge de Talence...
Les services de l’université s’évertuent donc à multiplier les actions, à l’instar du Mois d’accueil ou des petits-déjeuners de la vie étudiante, pour faire connaître les dispositifs existants et, plus globalement, créer du lien. « Il existe beaucoup de petites actions tout au long de l’année », confirme Céline Magnan. La directrice de la Maison des étudiants veut croire dans « tous les projets créateurs de lien entre les étudiants, ces moments où l’on peut parler d’autre chose et de manière moins stigmatisante ».
(*) Enquête « Temps et conditions de vie des étudiants » réalisée en 2018 par l’Université de Poitiers et son Observatoire de la réussite et de la vie étudiante, avec l’appui du projet IDER PaRé et du bureau des temps.
À lire aussi ...