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« Le deuil est trop vécu dans l’intime »
Catégories : Société, Social, Solidarité Date : mercredi 30 octobre 2019Psychologue et présidente de l’association Vivre son deuil en Poitou-Charentes, Martine Piton donnera lundi prochain, à Poitiers, une conférence sur l’accompagnement de l’entourage des personnes en deuil (*). Morceaux choisis.
Martine Piton, quels sont les mots à utiliser auprès de gens qui viennent de perdre un proche ?
« Il faut déjà perdre l’illusion qu’on peut consoler une personne endeuillée. Elle est dans la douleur, la souffrance, c’est le revers de la médaille de l’amour. On doit donc être dans l’accueil de l’émotion. Les « comment allez-vous aujourd’hui ? » ou « je suis touché(e) » dits avec chaleur sont aussi réconfortants. A contrario, il ne faut pas se forcer et éviter les formules du type « « Ça ira mieux demain », « Vous referez votre vie »… »
Certains publics sont-ils plus fragiles que d’autres ?
« Sans conteste les personnes âgées et les enfants. Chez la personne âgée, le deuil peut entraîner des répercussions somatiques importantes. Il est source de moins d’émotions mais entraîne des risques accrus de maladies et de suicide. Chez l’enfant en pleine croissance, le processus de deuil engendre une absorption de toute l’énergie. Des troubles de l’attachement et de dépression à l’âge adulte peuvent apparaître. »
Les circonstances de la disparition d’un proche ont-elles une incidence ?
« Dans les cas de morts violentes, séisme, attentat, suicide, les vivants doivent se faire accompagner par des professionnels. Certaines des associations qui sont fédérées à Vivre son deuil en Poitou-Charentes ont, par exemple, mis en place des groupes de personnes endeuillés par un suicide. Celles-ci ont le sentiment d’être mieux comprises et peuvent davantage exprimer leur ressenti. »
« Il faut parler encore et encore »
Le temps qui passe est-il le meilleur remède à la douleur ?
« Avec le temps, le chemin se fait malgré les aléas. Mais les personnes peuvent aussi avoir l’impression d’un retour en arrière, comme une cicatrice qui se referme et s’ouvre, notamment aux dates anniversaire. Le souvenir de certains lieux, de certaines musiques, de moments partagés sont douloureux. L’entourage est précieux, il faut parler encore et encore pour déculpabiliser. Christophe Fauré (psychiatre et auteur des Chemins du deuil, ndlr) dit que « parler et pleurer permettent d’user la violence de nos émotions ». Me revient aussi cette jolie phrase de Christian Bobin : « Lorsque les mots ne viennent plus au bord des lèvres, ils s'en vont hurler au fond de l'âme. » »
Pourquoi l’image de la mort ne change-t-elle pas dans nos sociétés occidentales ?
« Autrefois, nous avions des rites collectifs et religieux partagés. Tout cela n’existe plus. La personne endeuillée n’est plus visible. Elle n’a pas l’attention qu’elle mérite et le deuil est trop vécu dans l’intime. Notre culture ne laisse pas de place à la vulnérabilité. Il nous faut pourtant remettre de la socialisation dans le deuil. »
(*) Vivre son deuil en Poitou-Charentes fédère dans l’ex-région près d’une quinzaine d’associations, dont Jalmalv ou Jonathan pierres vivantes (JPV 86), parents, frères et sœurs endeuillés. C’est précisément JPV 86 qui organise la conférence de lundi prochain, à 18h30, dans les locaux de l’Udaf, à Poitiers (24, rue de la Garenne). Conférence ouverte à tous. Réservation souhaitée à jpv.antenne86@gmail.com.
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