mardi 24 décembre
Le centre pénitentiaire de Vivonne célèbre ce mois-ci ses 10 ans. Pointés du doigt en 2009, le sentiment d’isolement des surveillants et le manque d’interaction avec les détenus restent un sujet de débat.
A l’ouverture du centre pénitentiaire de Vivonne, Laurence Leturmy, professeure à la faculté de Droit de Poitiers, a mené une enquête avec deux psychologues de l’université du Mans. Le thème : l’insertion dans la nouvelle prison de ses occupants, comprenez les détenus mais aussi les surveillants. La co-directrice de l’Institut des sciences criminelles résume alors ses conclusions en un seul mot : « ambivalence ». Autrement dit, « modernité ne veut pas forcément dire amélioration des conditions de vie et de travail ». Par rapport à la Pierre-Levée, le confort s’est nettement amélioré. Mais à l’époque, un « sentiment d’isolement et de vulnérabilité » ressortait clairement des témoignages des surveillants. Les caméras, portes automatisées et autres vitres sans teint engendraient une « déshumanisation » des lieux. Qu’en est-il aujourd’hui ? Invité à parler de son expérience le 4 octobre dernier, à l’occasion des 10 ans du centre pénitentiaire, Laurent, surveillant lui-même, a nuancé le propos. « Les bâtiments sont désormais sectorisés pour plus de sécurité, contrairement aux grandes coursives que nous avions avant. Le cloisonnement permet de circonscrire plus vite les problèmes. Mais le travail reste le même et nous avons des outils de communication adaptés. »
Toutefois au sein des effectifs, tout le monde ne le ressent pas de la même façon. Elle aussi présente le 4 octobre, Isabelle regrette l’« unité de lieu » qui existait dans les structures en nef. « Aujourd’hui, si je ne veux pas rencontrer mes collègues officiers, je peux le faire pendant des jours. Il suffit de ne pas aller manger au messe », assure-t-elle.
La parole pour seule arme
Un autre phénomène s’est développé au fil des années : l’appauvrissement des interactions entre surveillants et détenus. Pourquoi ? A cause des nouvelles technologies, mais aussi du recours accru à des prestataires privés et des formulaires écrits pour les demandes quotidiennes des condamnés. Emma Le Bail Deconchat a pu le constater à travers les témoignages recueillis en fin d’année dernière, pour les besoins de son documentaire intitulé Surveillants au-delà des murs(*). Avec le soutien de la directrice de l’établissement Karine Lagier, la réalisatrice en a interrogé cinq, dont trois de Vivonne, à l’extérieur de la prison. Tous ont abordé l’importance de la relation humaine dans leur métier.
« Clairement, ils n’ont que la parole pour dénouer des conflits, pas d’arme, et ils sont très subtiles en matière de communication, loin des préjugés. » Un simple bonjour ou un échange de regards en dit long. A Vivonne, le contact est plus rare qu’à La Pierre- Levée, même si le service «à la louche»a été réinstauré récemment. « Si on parle moins aux détenus, on travaille moins sur sa réinsertion », reprend de son côté Isabelle. Chaque jour, les surveillants font en sorte que les individus incarcérés conservent ou retrouvent l’envie de vivre en société et construisent un projet avec les services spécialisés. Plus qu’une mission, c’est une vocation.
(*)Co-production France Télévision/Pyramide Production- 52min
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