Une parole qui se libère peu à peu

En France, quatre affaires de violences sur dix sont des agressions sexuelles sur mineur, selon le Ministère de la justice. Malgré l’omerta, les choses bougent. Des structures telle Colosse aux pieds d’argile prennent les devants pour libérer la parole des victimes.

Steve Henot

Le7.info

Il a fait de son histoire son combat. Entre ses 12 et 16 ans, Sébastien Boueilh a été abusé sexuellement par l’un de ses éducateurs. Dix-huit ans après les faits, l’ancien rugbyman professionnel est sorti du silence et a déposé plainte contre son agresseur, condamné en mai 2013. Dans la foulée, il crée Colosse aux pieds d’argile, afin de prévenir les risques de pédocriminalité et de détecter de potentielles victimes.

Dans le cadre d’une convention signée avec le Ministère des Sports, l’association sillonne actuellement les Creps de France pour sensibiliser le monde sportif. Mercredi dernier, c’était au Creps de Poitiers, où Sébastien Boueilh a témoigné entre autres auprès des personnels encadrants. « Il s’agit de leur expliquer comment ne pas se mettre dans des situations ambiguës, mais aussi de les aider à identifier des victimes potentielles. Les premiers signaux peuvent être un enfant qui devient subitement agressif ou introverti, démotivé, ou qui tombe dans l’alcool et la drogue. »

L’homme a aussi eu un temps d’échange avec de jeunes sportifs. Attouchements sexuels, bizutage aggravé, harcèlement… « Il n’y a pas une fois qui n’est pas suivie d’un nouveau témoignage, confie Sébastien Boueilh. En 200 interventions, ce sont quelque 400 victimes qui se sont exprimées. » La plupart des récits se déroulent dans la sphère proche, dans l’entourage de la famille. Un quart du temps dans l’environnement sportif. « Toutes les fédérations sont touchées. Il n’y a que la fédération de tir qui avait été épargnée… Jusqu’à il y a trois mois. »

« La honte change de camp »

Sur les 3 200 témoignages récoltés en six ans, Colosse aux pieds d’argile a accompagné 1 300 victimes, en leur offrant une aide psychologique et juridique. Pour les cas les plus éloignés, l’association s’en remet au réseau de France Victimes. Dans la Vienne, le Prism (Pôle de réparation pénale, d’investigation, de soutien éducatif et de médiation) comprend notamment un service d’aide -le Savi 86- qui accompagne les victimes. Des avancées ont lieu. Vendredi, en concertation avec l’association, la ministre des Sports Roxana Maracineanu a lancé une expérimentation visant à vérifier les extraits de bulletin n°2 de casier judiciaire des bénévoles de 601 clubs de football de la Ligue du Centre. Un dispositif qui a vocation à être étendu d’ici 2024, en se basant sur le fichier national des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes. Une première victoire.

Mais l’omerta autour des violences sexuelles reste grande dans le sport. « Certaines fédérations craignent pour leur image », déplore Sébastien Boueilh. Et beaucoup de victimes n’osent pas s’exprimer. « La honte est en train de changer de camp, est convaincu le sportif, toujours prêt à témoigner. Ca ne m’affecte pas de raconter mon histoire, car cela fait avancer les choses. J’y mets beaucoup de distance, un peu d’humour même… Ca percute, cela a un effet libérateur immédiat. A chaque passage médiatique, ce sont au moins 80 nouveaux témoignages qui nous parviennent. »


Colosse aux pieds d’argile : 07 50 85 47 10 ;
www.colosseauxpiedsdargile.org

Service d’aide aux victimes du Prism au 16, rue de la Demi-Lune à Poitiers. Tél. 05 49 88 01 13

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