10 octobre 2009, jour noir à Poitiers

Il y a dix ans presque jour pour jour, Poitiers a vécu un événement aussi rare que traumatique : le saccage d’une partie du plateau par des black blocs, au prétexte d’une manifestation anti-carcérale.

Arnault Varanne

Le7.info

Vitrines brisées, monuments historiques et religieux tagués, poubelles incendiées, abribus explosés… Le 10 octobre 2009, en fin d’après-midi, Poitiers a vécu une sombre page de son histoire. Ce qui n’était au départ qu’une manifestation (non déclarée) contre le transfert des détenus de la Pierre-Levée vers le nouveau centre pénitentiaire de Vivonne s’est transformé en guérilla urbaine minutieusement préparée. Cagoulés, masqués et armés de masses et de battes de baseball, 250 individus se réclamant de la « Cellule de vigilance opaque » ont fondu sur le centre-ville. Le tout un samedi après-midi festif, en plein festival des Expressifs. Sur la place d’Armes en ce jour funeste, Jules Aimé a tout de suite senti que ce rassemblement sentait la poudre. « J’ai vu quelques copains d’extrême gauche, mais beaucoup de visages étaient inconnus et masqués. »

Dix-huit interpellations

Le conseiller municipal d’alors -il est aujourd’hui adjoint à la Vie associative- décide de « sagement rentrer chez lui », place de la Liberté. Plus tard dans la soirée, il aperçoit une balise de détresse marine, puis une clameur. Des gens fuient. Il reconnaît quelques amis auxquels il propose de se réfugier chez lui. D’autres profitent de son hospitalité. Les premiers « ont peur ». Les seconds « étalent une carte de Poitiers au sol pour voir comment quitter Poitiers ». Black blocs, le mot est lâché. A l’issue de cet après-midi de chaos, dix-huit personnes sont interpellées. Trois seront jugées en comparution immédiate, dont deux étudiants qui écoperont d’un mois de prison ferme (*). L’émotion est à son comble à Poitiers, où on considère que les vrais fauteurs de trouble n’ont pas été arrêtés. Une manifestation de soutien se déroulera d’ailleurs une semaine plus tard au parc de Blossac.

« De jeunes Poitevins qui ont basculé »

« Beaucoup de gens ont été choqués et même traumatisés par la réaction policière ce jour-là, la perquisition au collectif 23… », prolonge Jules Aimé. Deux questions affleurent. Y a-t-il eu un défaut dans la chaîne de renseignements ? Le dispositif policier était-il adapté ? « A ma connaissance, rien ne pouvait laisser présager ce type de mouvements à Poitiers, témoigne l’ancien Directeur départemental de la sécurité publique, Jean-François Papineau. C’était une première inédite dans son ampleur et sa forme. Nous n’avons su qu’après que certains jeunes Poitevins avaient basculé dans une logique de contestation violente, en participant notamment au contre-sommet de Strasbourg et à une autre manifestation en Grèce. » Au sujet de la deuxième question, celle de la présence policière en centre-ville, il loue la « réactivité et l’engagement exceptionnels » de ses hommes ce jour-là. « Il faut rappeler que nous étions aussi mobilisés sur la Journée de sécurité intérieure et le transfert des prisonniers de La Pierre-Levée vers Vivonne… »

(*) En octobre 2014, le procureur de la République de Poitiers Nicolas Jacquet a mis fin à la recherche des identités des organisateurs de la manifestation violente du 10 octobre 2009. Les cerveaux de l’opération n’ont donc jamais été condamnés.

Dossier réalisé en partenariat avec France Bleu Poitou


 

La drôle de demande à l’avocate Simone Brunet
Quelques semaines avant le 10 octobre, plusieurs étudiants poitevins étaient venus rencontrer Simone Brunet dans son bureau. « Ils voulaient avoir une « legal team » en cas de problème le jour de la manifestation. C’est la terminologie des black blocs, mais je ne le savais pas à l’époque ! », témoigne l’avocate poitevine. Le lendemain des événements, en regardant le journal télévisé de France 2, elle découvre, stupéfaite, un tract sur lequel sont inscrits son nom et son numéro de portable. Elle défendra finalement l’un des trois prévenus en comparution immédiate. A la clé, un mois de prison ferme avec mandat de dépôt. Et une audience chargée d’émotion se terminant à 4h dans la nuit du lundi au mardi.

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