Des essais cliniques très contrôlés 

L’affaire des essais clandestins menés à l’abbaye Sainte-Croix de Saint-Benoît ne doit pas obérer la recherche clinique en général, laquelle répond à une méthodologie internationalement définie et reconnue. 

Claire Brugier

Le7.info

« C’est hallucinant ! » Hubert Taupe peine à y croire. La révélation, le 17 septembre, des essais cliniques clandestins effectués à l’abbaye Sainte-Croix de Saint-Benoît ne laisse pas d’étonner le pharmacien poitevin, qui a dirigé pendant près de vingt ans une société de recherches cliniques.

Au total, près de trois cents personnes atteintes des maladies de Parkinson et d’Alzheimer se seraient prêtées à l’étude non autorisée du professeur poitevin Jean-Bernard Fourtillan et de son homologue Henri Joyeux, via le fonds Josefa(*). L’affaire(**) défraie largement la chronique outre-Vienne mais elle ne serait qu’une exception qui confirme les règles, drastiques, des essais cliniques. « Tous les protocoles sont encadrés par les Bonnes pratiques cliniques (BPC), en accord avec l’International conference of harmonisation, assure Hubert Taupe. La méthodologie est standardisée. » Standardisée et contrôlée même si, selon le professionnel, « les autorités de tutelle sont malheureusement confrontées à un problème de moyens »

Le Pr René Robert, réanimateur et directeur du Centre d’investigation clinique du CHU de Poitiers -le CIC-Inserm 1402-, inscrit la méthodologie parmi les « quatre impératifs » de la recherche clinique, avec « la pertinence, l’anticipation des risques potentiels et le respect de l’éthique et de la transparence ». Tout ce qui définit « l’état d’esprit scientifique et éthique du clinicien chercheur ». A cela s’ajoute une bonne dose de pugnacité car « entre le moment où l’on dépose le projet et la publication, il faut compter entre trois et cinq ansMoins de 50% des essais financés sont publiés, il y a un phénomène d’épuisement. »

300 protocoles au CHU

« Il existe deux niveaux de confirmation de la conformité réglementaire, éthique et scientifique du projet », poursuit le Pr Robert. « Un niveau local », qui inclut l’autorisation de l’Agence national de la sécurité du médicament, et « un niveau extérieur » incarné par le Comité de protection des personnes qui « vérifie que la recherche ne peut pas nuire aux personnes ». En absence de ces autorisations, la sanction est pénale : « trois ans de prison et 45 000€ d’amende (L1126-1, Code de la Santé publique) », complète Hubert Taupe. 

Les projets ciblent en majorité les pathologies à haute prévalence. Environ 300 protocoles sont actuellement en cours au CHU de Poitiers, dont près de 200 concernent des médicaments. « 20 sont des projets menés à l’initiative de cliniciens », note le Pr Robert. La grande majorité est donc commandée par l’industrie pharmaceutique. La distinction a son importance, ne serait-ce qu’en termes de financement. Si « l’industrie finance en totalité », les recherches académiques ne bénéficient pas de la même manne. La finalité aussi est différente : la publication dans une prestigieuse revue médicale comme le New England Jornal of medecineThe Lancet ou le Jama pour la recherche académique, la commercialisation d’un médicament pour l’industrie pharmaceutique. 

(*) Dans une lettre ouverte à la presse, le Pr Fourtillan indique poursuivre son étude, considérant que les patchs délivrés ne sont pas des médicaments et qu’il n’agit donc pas dans le cadre d’un essai clinique.

(**) Le Parquet de Paris a anoncé le 27 septembre l'overture d'une information judiciaire.

 

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