Retraite : le paradoxe des seniors

Alors que tout porte à croire que la réforme des retraites allongera la durée de cotisation, les seniors restent mal-aimés des employeurs. Et pourtant, après 50 ans, les salariés ont du savoir-faire à revendre... et à transmettre.

Romain Mudrak

Le7.info

Jeudi dernier, se tenait à Paris un colloque intitulé « Les seniors et l’emploi : une situation paradoxale ». Cette journée de débats était organisée par l’association Solidarités nouvelles face au chômage (SNC). Elle fédère plus de deux cents groupes de bénévoles venant en aide aux demandeurs d’emploi dans toute la France. Parmi les invités figuraient des économistes, des chercheurs ainsi que Monique Lubin et René-Paul Savary, sénateurs et rapporteurs de la mission d’information sur l’emploi des seniors. Autant d’experts qui partageaient un même constat, résumé ainsi par le président de SNC, Gilles de Labarre : « Alors que Jean-Paul Delevoye, Haut-commissaire à la réforme des retraites, propose au gouvernement d’engager une transformation profonde du système de retraite, la situation des 50 ans et plus est aujourd’hui extrêmement paradoxale. Incités par les pouvoirs publics à prolonger leur activité, ils subissent la défiance des employeurs. »

Postes de travail adaptés
Le problème est sur la table. « Les représentations négatives liées à l’âge entraînent une réticence des employeurs à maintenir les seniors en emploi comme à les recruter, poursuit le président de SNC. Si bien qu’avec l’âge, les perspectives d’emploi et les opportunités de formation diminuent fortement. » En Nouvelle-Aquitaine, les seniors représentaient 26% des demandeurs d’emploi à fin 2018 (23,8% dans la Vienne). Un chiffre en hausse sur un an. Quatre sur dix (40,8%) étaient inscrits depuis plus de deux ans, contre 25% sur l’ensemble des demandeurs d’emploi. La situa- tion c’est légèrement améliorée au premier semestre 2019. Aussi évocateurs soient-ils, ces chiffres laissent néanmoins perplexe Jean-Luc Fourré, représentant local de l’association des directeurs des ressources humaines (ANDRH). S’il ne sous-estime pas les difficultés rencontrées par les seniors, il aimerait une « analyse plus fine de la situation afin de distinguer les 50-55 ans des plus âgés pour lesquels il est sûrement plus compliqué de retrouver un emploi ». Sur ce point, certains observateurs avertis considèrent d’ailleurs que le chômage indemnisé est venu compenser, pour les plus anciens, le dispositif de pré-retraite qui a disparu progressivement.

Toujours est-il que face à l’allongement inévitable de la durée de travail, les entreprises vont devoir relever un défi important : conserver les seniors dans leurs rangs et organiser la transmission du savoir-faire, en adaptant les condi- tions de travail et en continuant à les former au-delà de 50 ans. « Les postes les plus physiques dans le bâtiment ou à l’usine sont souvent aménagés pour réduire la pénibilité de tous », soutient Jean-Luc Fourré. A 57 ans, le DRH assure d’ailleurs qu’« embaucher un senior à 52 ans, par exemple, assure douze ans de présence dans l’entreprise contre cinq ans en moyenne pour un jeune ». De quoi redonner de l’espoir à tous les chômeurs seniors qui témoignent dans le rapport publié jeudi par SNC à l’occasion de son colloque. Un rapport qui contient aussi des propositions pour faciliter le retour à l’emploi des plus âgés. A lire d’urgence.

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