Une vie à demeure 

Christophe Bouvier. 50 ans. Propriétaire du château de Dissay depuis 2016. S’efforce de redonner ses lettres de noblesse à cette demeure du XVesiècle. Signe particulier : entreprenant et déterminé. 

Arnault Varanne

Le7.info

Seuls ses garçons qui grandissent lui rappellent que le temps passe. Ses deux plus grands, âgés de 24 et 19 ans, sont respectivement entraîneur et driver de chevaux à Mont-de-Marsan, près d’Agen. Ses deux derniers, des jumeaux de 7 ans, n’ont rien connu de son ancienne vie dans la banque et l’assurance. A 50 ans, Christophe Bouvier a « toujours envie de vivre à 300 à l’heure ». Mais l’expérience l’enjoint désormais de « calmer les choses, de relativiser ».Si vous le croisez, ne lui dites surtout pas qu’il mène aujourd’hui la vie de château (de Dissay). « Non, non, je suis juste celui qui veut faire revivre le monument dans le respect de ce qu’il a toujours été », borde-t-il. Il n’y habite pas du reste. 

Il se rêvait en pourfendeur des injustices

Le Normand d’origine, natif de Pont-L’Evêque, a déjà injecté 8M€ dans la magnifique bâtisse du XVe siècle construite par Pierre d’Ambroise, évêque de Poitiers. Pierre après pierre, celui qui se rêvait avocat -« je trouve Eric Dupont-Moretti exceptionnel »- parce qu’il exècre « les injustices »s’attache à redonner son lustre d’antan au château. Il l’a ouvert sur l’extérieur grâce à un spa haut de gamme, un restaurant gastronomique et une activité d’hôtellerie à l’avenant. Et dire qu’il y a trois ans, le « bienfaiteur » ignorait jusqu’à l’existence du nom de la commune… « Avec ma femme, nous cherchions une demeure avec des salles pour des activités d’événementiel, au minimum une trentaine de chambres, de quoi faire un restaurant et un spa et dans un lieu bien desservi. Nous en avons visité une cinquantaine. » Son futur joyau, ce fils d’artisan-boucher et d’infirmière de bloc l’a découvert un samedi dans les pages d’un supplément du Figaro. « Le dimanche matin, j’étais sur la place de Dissay. » Un coup de fil à l’agent immobilier et le tour était presque joué.

« Je peux tout perdre du jour au lendemain… » 

Trois ans après, le patron d’entreprise -18 équivalents temps plein- reconnaît qu’il faut « forcément un grain de folie » pour se lancer dans un tel projet. « Si vous mettez objectivement tous les éléments sur la table, vous ne le faites pas. Je ne suis pas ici pour m’enrichir, je le vis comme une expérience. »Christophe Bouvier assure lui-même les visites lors des Journées du patrimoine, alors même que ses lectures l’inclinent plutôt à s’infuser des bilans comptables et revues professionnelles. Qu’à cela ne tienne, il se glisse dans le costume avec un certain plaisir. Et une ambition à peine voilée. L’ex-propriétaire de l’Interhôtel de Beuzeville, un hôtel-restaurant-spa- guigne à moyen terme une étoile au Michelin. Sa cheffe Dorothée Teanor et sa brigade ont déjà décroché L’Assiette après à peine un an d’exercice. Encourageant. 

Pas cuisinier mais fin gourmet, le dirigeant cultive un certain goût pour les plaisirs de la table. Certainement un héritage familial. Son père a suivi un apprentissage de boucher en région parisienne. Il a même servi de la viande à l’illustre écrivain Henri Troyat, avant de s’installer à son compte. « La boucherie, c’est la plus belle école de commerce qui m’ait été donné de suivre. J’étais le dimanche matin à la caisse, j’accompagnais mon père à l’abattoir. Il m’a appris à avoir une relation authentique et sincère avec les fournisseurs. » Le hasard des rencontres l’a ensuite conduit vers la banque et l’assurance pendant deux décennies, puis vers l’hôtellerie-restauration. D’abord en investissant dans un établissement à Lisieux, puis à Beuzeville et, enfin, dans le château de Dissay. « Un joli outil de travail », euphémise-t-il. Davantage« capitaine d’équipe » que « patron », Christophe Bouvier reste extrêmement prudent à l’heure d’évoquer sa nouvelle aventure. « Je ne me suis jamais dit qu’acheter un château, c’était réussir ma vie. Je peux tout perdre du jour au lendemain… Et puis la réussite, je la place davantage dans le fait de voir ses enfants grandir et s’épanouir, d’avoir une vie de couple harmonieuse. » Le temps reste un implacable juge de paix. 

 

 

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