Le tournant de l’apprentissage

Financement, ouverture à la concurrence... Avec la réforme de la formation et de l’apprentissage, les règles du jeu ont changé. Ce qui inquiète à la fois la Région et les chambres consulaires.

Romain Mudrak

Le7.info

Son nom semble consensuel. Et pourtant la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » ne fait pas que des heureux. Ce texte adopté le 5 septembre 2018 bouleverse considérablement la structure des Centres de formation des apprentis (CFA). En réformant le financement de la formation professionnelle, et plus encore de l’apprentissage, il modifie les règles du jeu. De quoi inquiéter Karine Desroses, la présidente de la Chambre de métiers et de l’artisanat de la Vienne : « Les branches professionnelles se sont concertées pour fixer un coût de formation par apprenti très raisonnable. Le problème, c’est que nous ne pourrons l’appliquer qu’en janvier 2020. Durant la première année, s’appliqueront des coûts dits préfectoraux inférieurs de 50%. » En pratique, les CFA recevront des opérateurs de compétences (qui ont remplacé les organismes paritaires collecteurs agréés) un montant par apprenti inférieur au coût réel de la formation. « C’est une concurrence déloyale vis-à-vis des structures nouvelles qui se créeront à partir de janvier », reprend Karine Desroses. Qui déplore par ailleurs que la suppression du Stage de préparation à l’installation (SPI) pour tous les futurs artisans cause un trou de « 150 000€ » dans le budget de la Chambre de métiers de la Vienne.

Formations de proximité
Autant dire que la représentante de la CMA86 était plutôt amère lundi lors de l’assemblée géné- rale de la chambre. Une colère relayée en outre par le président de la Région Nouvelle-Aquitaine, qui a perdu la main sur l’apprentissage au profit des branches. Invité mercredi dernier à célébrer les 50 ans du CFA du bâtiment, à Saint-Benoît, Alain Rousset a précisé sa position : « Avec le coût contrat (autre nom du coût apprenti, ndlr), la dotation dépend du nombre d’inscrits. Mon inquiétude est de voir disparaître certaines formations de proximité indispensables à la vie des territoires. » Même privés de ce champ de compétences, ses services ont établi une carte des formations types, comme ils le faisaient avant la loi, pour suivre l’évolution dans le temps. Au sein du campus du BTP (620 apprentis) justement, la crainte est moins perceptible. Le directeur François Rippault acte le fait que son établissement « devient une entreprise privée » qui va devoir se démarquer pour résister à la concurrence d’autres centres de formation. Mais lui peut compter sur un soutien de poids, celui de la puissante Fédération française du bâtiment et ses 379 artisans et entrepreneurs du BTP dans la Vienne. Pour son représentant dans le département, Jérôme Beaujaneau, le message est clair : « En matière de formation, nous avons déjà un outil, c’est le CFA des métiers du bâtiment. » Fermez le ban.

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