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Fernande Cormier, une pour tous
Catégories : Société, Social, Solidarité Date : vendredi 21 juin 2019Fernande Cormier. 89 ans. Coquette et diserte. Syndicaliste de la première heure, femme du collectif toujours prête à s’investir dans la cause commune.
Fernande Cormier ? Au bout du fil, la voix féminine ne marque aucune hésitation. Le nom, visiblement, est familier. Au centre socioculturel des Trois-Cités, Fernande Cormier est connue. Elle a beau s’en défendre modestement, la Bressuiraise d’origine est une figure du quartier.
Arrivée à Poitiers en 1955, elle s’est installée au Clos-Gaultier(*)en 1968, à deux pas du centre socioculturel fraîchement inauguré et du parc du Triangle d’or, où elle aime toujours respirer la nature. Elle se souvient avoir d’abord vécu dans le quartier sans vraiment le voir, absorbée qu’elle était par son travail et par son engagement syndical. « Je l’ai connu par mes parents », confie-t-elle. En 1973, ils emménagent avec elle. Son père décède en 1985. Cette même année, à la suite d’une énième restructuration, Fernande Cormier est licenciée, après vingt-neuf ans sur les chaînes de fabrication des piles Leclanché (aujourd’hui Saft) puis à l’atelier des pièces mécaniques.
Besoin de collectif
« Toutes les grèves qu’on a pu faire ! »Fernande Cormier a été de toutes, sous les couleurs de la CFDT, à laquelle elle reste fidèle aujourd’hui encore, dans le clan des retraités, tout comme elle est restée fidèle à l’ambiance collective de l’usine, qu’elle a rapidement préférée au métier plus solitaire de sa mère, couturière. « J’ai appris la couture, pour femme et pour homme, mais cela ne me plaisait pas du tout !,confesse l’aînée d’une fratrie de trois enfants, placée en apprentissage à 16 ans. Cinq ans plus tard, elle entrait àl’abattoir de Bressuire. « Bien sûr, le travail à la chaîne n’était pas toujours agréable, mais on travaillait ensemble. J’avais besoin de collectif. » Qu’importe que ses parents ne voient pas d’un bon œil qu’elle fraieavec « des personnes en grande précarité ».
Sans qu’elle en ait conscience, ils lui avaient déjà communiqué leur ouverture aux autres. « Je me souviens qu’ils accueillaient beaucoup de Portugais, des Italiens aussi... ». Et puis sa mère avait eu la bonne idée de l’inscrire à la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC). « Il faut dire que j’étais un peu sauvage à l’époque », sourit la coquette vieille dame. Elle y a rapidement pris des responsabilités, jusqu’à en devenir l’une des permanentes, à Bordeaux. « A la JOC, on nous apprenait l’entraide, à partager la vie des autres. On nous faisait prendre conscience que toute personne a sa place dans la société. »Fernande Cormier n’a jamais oublié la leçon.
En arrivant à Poitiers, à 25 ans, avec deux amies, elle a d’abord connu le chômage et quelques petits boulots avant d’entrer en 1956 chez Leclanché, à Chasseneuil à l’époque. « J’y ai rencontré le syndicalisme »,assène-t-elle. Comme à la JOC auparavant, la jeune femme s’est investie pleinement à la CFDT, prenant des responsabilités locales puis nationales. « La JOC m’avait donné le sens des autres, le goût de faire des choses ensemble. »
« La JOC m’avait donné le sens des autres »
Aussi, lorsqu’en 2006, « le lundi de Pentecôte », des habitants des Trois-Cités, en colère d’avoir appris par voie de presse le projet de résidence intergénérationnelle, sont venus solliciter l’association de locataires à laquelle elle appartenait, la CLCV (**), la syndicaliste-née a-t-elle décidé de participer activement à la concertation générale. Le sondage citoyen mis en place a dénoncé « 99% de problèmes liés à la santé, 57% à l’administratif, 59% à des petits travaux, 56% à l’interculturel ». Fernande Cormier égrène sans faillir ces chiffres qui sont à l’origine de l’association L’Espoir, elle-même à l’initiative de l’ouverture, le 15 décembre 2015, du Centre de santé des Trois-Cités. Pourtant,« il y avait beaucoup de gens contre nous ».
Aujourd’hui encore présidente de l’association de gestion du Centre de santé, Fernande Cormier a été l’une des figures de proue de ce combat, mené en collaboration avec le centre socioculturel et la CFDT. « Ce que je ne vous ai pas dit... », reprend-elle une nouvelle fois, intarissable sur cet épisode de sa vie.
Infatigable, elle est prête, du haut de ses 89 printemps, à écrire un nouveau chapitre de l’histoire du quartier avec le Relais Prévention Habitants 86, fondé le 8 octobre dernier. « Nous avons déjà reçu 758 réponses en faveur de la création d’une maison de soins de suite », enchaîne celle qui n’a jamais cessé de s’intéresser à l’actualité.
Dans sa bibliothèque, des beaux livres sur le Darfour ou la Terre et, sur sa table de chevet, A nous la liberté ! de Christophe André, Les Mauvaises Gens d’Etienne Davodeau ou encore Elan humaniste citoyen d’Albert Boivin. On ne se refait pas. « J’aime les livres qui ont du sens », explique-t-elle de sa voix grave. « Prise dans le combat et le collectif », elle n’a pas fondé de famille. « Vous savez, j’appartiens à une génération où la place de la femme était à la maison... J’aime trop ma liberté. »
(*) Le quartier des Trois-Cités, à Poitiers, regroupe les cités Saint-Cyprien, Clos-Gaultier et Sables. (**) Consommation, logement, cadre de vie.
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