La Coupe du monde de foot féminin a démarré en France la semaine dernière. L’événement devrait logiquement susciter l’engouement dans un département comme la Vienne, où les filles sont de plus en plus nombreuses à s’essayer au ballon rond. Au point de nécessiter des infrastructures supplémentaires ?
Ce mercredi après-midi, une pluie fine s’abat sur le stade Michel-Amand, à Poitiers. Elles sont huit à avoir bravé les conditions météo. Au jeu d’opposition, succède une séance de frappes. Nous sommes au crépuscule de la saison 2018-2019, mais Flora, Laïcia, Bleuenn et leurs copines reviendront à la rentrée. « Moi, j’ai découvert le foot avec les garçons dans la cour d’école, témoigne Laïcia. J’ai pris une licence à Buxerolles puis au Stade poitevin. J’adore ça ! »Si Mbappé est le premier nom à sortir du chapeau, Gaëtane Thiney ou Jenny Le Sommer ne sont pas loin derrière dans le cœur des filles du foot. En cas de succès lors de ce Mondial, les taulières des Bleues devraient logiquement faire des émules.
Dans le district de la Vienne, 1 469 filles (voir encadré) pratiquent leur passion une à deux fois par semaine et les week-ends, des plus jeunes au seniors. Le département compte une trentaine de clubs dotés d’une section féminine. Marion Favreau, elle, a 36 ans et déjà dix-sept ans de pratique derrière elle. « C’est simple, ma première sortie avec le permis, c’était pour aller jouer !J’ai toujours aimé ça. Mais il faut reconnaître qu’à Colombiers, au début des années 2000, une fille qui faisait du foot, ce n’était pas convenable ! » La capitaine de Chasseneuil-Saint-Georges a écumé les clubs de la Vienne et se réjouit de constater qu’aujourd’hui « la plupart des écoles de foot sont mixtes. Mon fils de 7 ans joue avec des fillettes depuis qu’il a démarré. C’est naturel pour lui. »
« Une évolution spectaculaire »
S’il y en a un qui regarde le Mondial avec un œil expert, c’est Jean-Claude Barault. Le Poitevin a dirigé l’ASJ Soyaux (D1 féminine) en 2013-2014. Cinq ans après son expérience en Charente, Papa’s a vu le foot féminin se transformer. « A l’époque, embraie le coach, je n’avais aucune joueuse sous contrat fédéral ou professionnel. Depuis, le budget du club a été multiplié par 2,5 et toutes les filles ont un contrat. Clairement, de plus en plus de filles se disent que le foot est fait pour elles. » Sur un plan technique, Papa’s se délecte devant un match féminin. « Les filles ont une vraie sensibilité avec le ballon. Elles sont plus joueuses, avec l’idée de faire circuler le ballon, que ce soit beau. C’est dans l’esprit du foot. »
L’engouement pose toutefois une question : les clubs auront-ils les moyens d’accueillir toutes les footeuses en herbe à la rentrée ? « Tout l’enjeu est là, admet Julie Brunet, responsable de la section féminine du Stade poitevin. En quelques mois, nous avons réussi à attirer une trentaine de jeunes de 6 à 17 ans. L’engouement est là avec la Coupe du monde, la diffusion des matchs de l’équipe de France et les spots publicitaires avec de grandes joueuses. Il faut que cela continue ! » Charge à la Fédération, à la Ligue et au District de prévoir les infrastructures et moyens humains nécessaires : vestiaires, éducateurs, terrains…
En chiffres dans la Vienne
Le district de la Vienne compte 1 950 licenciées (10,6% des effectifs, 18 305 au total), dont 1 469 joueuses, 447 dirigeants, 8 arbitres et 26 éducatrices ou animatrices. 35 clubs comptent au moins une équipe féminine (71 au total) dans leurs rangs, alors que 15 écoles 100% féminines ont vu le jour ces dernières années.
A égalité
Corinne Diacre et ses joueuses rêvent d’un Mondial à domicile équivalent à celui des Bleus de 98. Dans leur quête de titre et de reconnaissance, les Bleues devraient pouvoir compter sur le soutien d’un maximum de supporters. Terminé le temps où les conférences de presse d’avant-match se déroulaient devant trois journalistes. Finie l’époque où les stades sonnaient le creux. Le foot féminin emporte l’adhésion par sa fraîcheur et sa qualité. L’Olympique lyonnais donne le ton à l’échelle européenne avec six Ligues des champions dans son escarcelle. Le PSG tente de suivre la cadence. Et les meilleures footballeuses de la planète sont attirées par l’Hexagone. Mais il y a un hic dans ce Mondial : l’absence du Ballon d’or Ada Hegerberg, en froid avec la Fédération norvégienne pour cause d’inégalité de traitement avec ses homologues masculins. Dans un entretien à nos confrères du Monde, Hegerberg martèle son discours : « Il est impossible d’être footballeuse sans se battre pour l’égalité ». Sa voix porte, autant de ce qu’a accompli Violette Morris au début du XIXe siècle. La Française fut l’une des pionnières du foot en France. C’était il y a un siècle ! Une éternité sur l’échelle de l’égalité hommes-femmes. Et pourtant, il reste beaucoup à accomplir.