mardi 24 décembre
Arnoult Gauthier. 67 ans. Chef d’entreprise parisien installé à Montmorillon, dans la Sénéchalerie qu’il a rachetée en 2013. Vient de publier un carnet de bord sur son combat contre le cancer de la moelle des os, qu’on lui a diagnostiqué en 2011. Fervent chrétien, il y témoigne avec optimisme et philosophie.
Longtemps, il a pensé à une simple sciatique. Ce n’est qu’après la remarque d’une hôtesse de l’air, l’ayant trouvé très fatigué, qu’Arnoult Gauthier s’est enfin décidé à aller consulter. Le couperet tombe : l’homme est atteint d’un cancer de la moelle des os. Cinq vertèbres et le bulbe rachidien sont touchés. Il est en « phase 3 », on ne lui donne pas plus de trois mois. « J’avais tellement mal… Ce n’est pas ce verdict qui m’a le plus empêché de dormir », sourit-il.
Huit ans ont passé, Arnoult Gauthier est toujours sur pied. Encore chancelant certes, mais résolument plein de vie. Chef d’entreprise encore actif, après une première carrière dans la banque, il s’investit aujourd’hui sans ménagement dans la restauration de la Sénéchalerie -ou Vieux Palais- de Montmorillon, édifice qu’il a racheté en 2013. Quelques années plus tôt, ce Parisien d’origine a eu le « coup de cœur » pour la Cité de l’écrit, qu’il a préférée aux routes de la Bretagne, « trop goudronnées » à son goût.
Toutes ces années, la maladie ne l’a que rarement contraint. Malgré un lourd protocole de soins (radiothérapie, chimiothérapie moléculaire, greffe), « je n’ai été hospitalisé que huit jours, je n’ai jamais arrêté de travailler », assure l’homme de 67 ans. « Cela m’a sans doute sauvé. Le travail, c’est la santé spirituelle. Il permet de se concentrer sur autre chose que soi, de sortir de sa carcasse. » En dépit de moments qu’il reconnaît très durs, parfois même devant ses collaborateurs.
Reprogrammation spirituelle
Arnoult Gauthier affiche un détachement certain sur sa condition d’homme malade, sur la notion du corps. Le fruit d’une réflexion qu’il mène sur lui-même depuis l’annonce du diagnostic.« Affaibli, je ne me reconnaissais pas dans la glace. Vous comprenez alors que la carcasse dans le miroir, ce n’est pas « vous ». Vous avez alors l’obligation de vous reprogrammer sur le plan spirituel. » Fervent catholique, issu d’une importante famille croyante (neuf enfants), il s’en remet à une « approche chrétienne des choses », qu’il questionne et redéfinit selon sa propre expérience de vie, face à la mort. Ses observations, il les a consignées dans un carnet de bord qu’il pensait publier à titre posthume. Un ouvrage de plus de 400 pages, intitulé Au pied du mur. « Je voulais mourir conscient, en me posant les vraies questions. Je voulais réfléchir jusqu’au bout. »
Son goût pour l’écriture remonte à ses études de droit et de sciences politiques, à Paris 2 Panthéon-Assas. « C’est trouver les bons mots, la précision qui matérialise les idées. » Juste avant le diagnostic, il venait de publier un essai philosophique, Demain la Révolution, où il exprime son dégoût de la politique. Le patron chevronné y est un « Gilet jaune » avant l’heure, profondément déçu par « l’absence de valeurs » des hommes et des partis. Il revendique les siennes, évidemment traditionnelles, mais sans prosélytisme aucun. Dans son dernier ouvrage, il ne manque pas, d’ailleurs, d’égratigner l’Eglise qu’il juge « trop formelle, trop logique ». « Ca écarte les sentiments et donc l’amour », souffle-t-il.
« Je n’ai jamais été aussi heureux que durant la maladie. »
Son regard est aussi critique sur les débats, encore récents, sur la fin de vie. Lesquels ne lui sont pas étrangers. « Prolonger des gens en fin de vie, c’est un non-droit. Cette position est défendue par des gens qui s’inventent des postures pour dissimuler leurs peurs. C’est malsain. » Ee cannabis thérapeutique ? S’il le pouvait, il l’autoriserait. Pour lui, « l’autogestion est une manière intelligente de responsabiliser les malades ». C’est ainsi qu’il a lui-même arrêté la morphine, « du jour au lendemain ».
Profondément « solitaire », jamais marié, Arnoult Gauthier s’accommode volontiers d’une vie de « moine » ou « d’ermite ». Mais il goûte, aussi, les rassemblements ponctuels avec famille et amis, à l’occasion notamment de sorties de chasse qu’il organise. « La symbolique du repas est très présente dans l’Evangile. La convivialité est nécessaire pour décompresser dans la vie spirituelle. » Aujourd’hui en rémission, l’homme n’a jamais espéré vaincre la maladie, mais vivre avec elle du mieux possible. « On se défend bien mieux en l’acceptant, jure-t-il. Je n’ai pas d’autre prétention que de témoigner, c’est une expérience. Ca m’a permis d’évoluer. » Une prise de conscience salutaire pour lui, qui se projette vers un avenir serein, des projets en tête. « Je n’ai jamais été aussi heureux que durant la maladie. »
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