Depuis dix ans, l’affaire Vincent Lambert défraie régulièrement la chronique sans que la pratique des directives anticipées ne progresse véritablement au sein de la société française. Et ce malgré des évolutions législatives.
« Ce n’est pas parce que j’ai rédigé des directives anticipées que je compte mourir demain ! » Au bout du fil, le sourire de Dany Forget est palpable. Même si, pour cette Poitevine de 64 ans, « la mort n’est pas un sujet tabou », elle n’avait, comme beaucoup, jamais vraiment réfléchi à la question.
Hasard du calendrier, quelques semaines seulement avant que l’affaire Vincent Lambert(*) ne revienne sur la place publique, elle a adhéré à l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) et formulé ses directives anticipées. « Je sais qu’il y a des choses que je ne veux pas. Je ne veux pas qu’on décide pour moi. » Alors elle a glissé dans son portefeuille, à côté de sa carte Vitale, celle que lui a renvoyée l’ADMD et qui précise sa volonté.
« Les directives sont permanentes, mais elles sont aussi révocables et récusables », insiste Luc Bonet, délégué départemental Vienne et Deux-Sèvres de l’association, qui milite « pour un accès universel aux soins palliatifs, pour le droit à l’euthanasie et au suicide assisté ». Or aujourd’hui, « c’est toujours le médecin qui décide », déplore-t-il.
5 à 13% des Français
Selon lui, la loi Claeys-Leonetti (2016) sur « la sédation profonde et continue jusqu’au décès » contient « des angles morts ». « Il n’existe pas, comme dans la loi belge, une hiérarchisation des personnes de confiance désignées. » De plus, « il y a souvent confusion entre personne de confiance et personne à contacter », note Laurette Blommaert, directrice des affaires juridiques au CHU.
Plus globalement, « la loi est méconnue », constate le président de l’ADMD. Pour preuve, « 5 à 13% des Français auraient rédigé des directives anticipées alors que, selon un sondage Ipsos, plus de 80% des Français se déclarent en faveur du droit à l’euthanasie ». Méconnaissance, considérations religieuses, tabou sociétal... l’onglet dédié aux directives anticipées dans le Dossier médical personnalisé est très souvent vide.
Au CHU de Poitiers, un groupe de travail mêlant juristes et praticiens, en collaboration avec le Pr René Robert, président de l’Espace de réflexion éthique, a rédigé en début d’année un formulaire destiné à être « remis au patient avec le livret d’accueil », explique Mélanie Thibault, juriste. L’idéal serait toutefois de sortir les directives anticipées de la sphère médicale. C’est pourquoi « nous avons un projet de création d’un parcours des directives anticipées, explique Laurette Blommaert, avec un ou deux référents au sein de la Maison de santé publique pour former les professionnels, mener des actions d’information dans les établissements médico-sociaux, auprès des médecins traitants, de l’Education nationale, etc., mais aussi pour accompagner les personnes dans la rédaction de leurs directives anticipées ».
(*) En 2008, Vincent Lambert, à la suite d’un accident de la route, est plongé dans un état de conscience minimale. S’ensuivent dix ans d’une bataille juridique entre ses proches, en désaccord sur l’arrêt ou non des traitements.
Formulaire de directives anticipées accessible sur chu-poitiers.fr et sur solidarites-sante.gouv.fr