Michel Gouzon, l’homme providentiel 

Michel Gouzon. 73 ans. P-DG bénévole de Lingerie Indiscrète. A déjà investi 580 000€ de ses deniers personnels pour redresser et développer la manufacture chauvinoise. Dans ses activités associatives comme dans sa vie professionnelle, le Périgourdin a fait du désintéressement un moteur. 

Il y a des contes de fée dont on peine à imaginer le scénario tellement il paraît invraisemblable. Au lendemain de la disparition de Didier Degrand, en août 2018, peu de gens auraient parié sur la résurrection de Lingerie Indiscrète. D’abord parce que l’associé de Christelle Bois et Béatrice Mongella a mis fin à ses jours dans les locaux de l’entreprise. Tout un symbole. Ensuite parce que la manufacture était à l’époque criblée de dettes. Enfin parce que le fleuron de la lingerie aurait sans doute subi une cure d’amaigrissement dramatique dans le cas d’une reprise à la barre du tribunal de commerce de Poitiers. Et puis Michel Gouzon est apparu. Derrière sa télé, le septuagénaire a été ému «comme tout le monde» lorsque le drame du 9 août est intervenu.  

« Quelques années auparavant, je me souviens avoir déjà lu un article dans une revue spécialisée sur ces trois salariés d’Aubade qui allaient se lancer. » Premier temps. Le deuxième a eu lieu à la rentrée. « J’ai déjeuné avec un couple d’amis et je lui ai dit que quelque chose me traversait l’esprit. Si seulement, je pouvais aider ces filles à s’en sortir… » La conversation aurait pu en rester là. D’autant que le chef d’entreprise à la réussite incontestable s’apprêtait à investir dans une fabrique de bières sur l’île d’Oléron. Il a tout de même passé un coup de fil chez Indiscrète, au cas où. On lui a passé Christelle Bois. C’était un mercredi. Elle lui a dit : « On vous attend vendredi. »Le natif d’Excideuil ne s’est pas défilé et a écouté leur désarroi. « Je les ai senties au bord du gouffre. L’après-midi, lorsque j’ai visité l’atelier, j’ai vu des larmes couler sur certains visages. » Un tour « à Lidl pendant vingt minutes pour réfléchir », et sa décision était prise. « Je suis revenu et je leur ai dit : « Je ne vous quitte plus. » »

Philanthrope et financier

En cette jolie après-midi du mois de mai, Michel Gouzon occupe encore et toujours le poste de P-DG bénévole de la manufacture de lingerie. Il a injecté 580 000€ dans l’entreprise. Et douze salariées ont été embauchées pour faire face à l’afflux de commandes et pérenniser cette « très belle aventure ». A sa place, beaucoup bomberaient le torse. Lui se dit juste « heureux d’avoir sauvé la société ».Veuf depuis 2003, l’ancien cadre de la Générale des Eaux a également perdu son fils en 2010. Depuis, il a décidé que sa vie serait « dédiée aux autres ». Philanthrope, le financier ne perd pas de vue un objectif: gagner de l’argent. « Pour les filles qui sont au Smic depuis huit ans et qui méritent mieux. Je veux les récompenser. »

« Si l’équipe n’est pas unie, ça ne marche pas »

Il y a chez lui un mélange d’instinct, de franchise, de respect et d’impatience permanente. « Quand je demande quelque chose, j’aime que ce soit fait. » Le néo-Poitevin n’a pas hésité à monter au créneau lorsque l’extension de la boutique Indiscrète a un temps été reportée par Grand Poitiers. En quelques heures, son courroux a porté ses fruits. Pour ces raisons, Michel Gouzon n’a « jamais été tenté de faire de la politique ». Ses engagements extra-professionnels, le fondateur de la société d’événementiels sportifs TSV les a concentrés dans le sport, et plus particulièrement le rugby. Depuis son Sud-Ouest natal et encore aujourd’hui, Monsieur le secrétaire de la commission bénévolat de la Fédération française continue de s’intéresser aux affaires du ballon ovale. Sur le pré, le troisième ligne a remporté le titre de champion de France corpo. Dans la coulisse, il a présidé plusieurs clubs. « Le rugby, c’est l’école de la convivialité. Si l’équipe n’est pas unie, ça ne marche pas. » Il en va du rugby comme des affaires. Le P-DG s’efforce donc de jouer collectif. Seul homme dans une entreprise 100% féminine, il se réjouit notamment qu’Indiscrète passe au masculin avec sa nouvelle marque Indiscret. Tout le contraire du personnage, qui préférera toujours l’ombre à la lumière.