Elle court après le bonheur

Marion Delas. 30 ans. Sportive de l’extrême. Ancienne commerciale à l’international. A tout plaqué pour changer de vie et s’investir dans l’activité physique adaptée. Termine ses études à la fac de sports de Poitiers. Attend un heureux événement. Signe particulier : sur la voie du bonheur.  

Arnault Varanne

Le7.info

Cette nuit-là, elle a pleuré toutes les larmes de son corps. Elle pensait même se réveiller le lendemain matin dans la maison familiale, à Niort. Sauf que Marion Delas se trouvait dans une chambre d’hôtel à… Santiago du Chili. A 17 ans, elle venait d’obtenir son bac ES -mention bien- et cultivait déjà le goût de l’ailleurs. « J’avais dit à mes parents que je voulais partir. Ils étaient d’accord si je trouvais de quoi financer mon voyage. Je me suis débrouillée pour dégoter 2 000€ de bourses. » Au Chili, elle a laissé « toute cette énergie un peu négative » qui lui collait jusque-là aux basques. En clair, elle a « mûri »et s’est « construite ». 

Son parcours de vie, des bancs de l’école de commerce de Toulouse jusqu’à ceux de la Fac de sports de l’université de Poitiers, la jeune trentenaire le raconte dans un ouvrage sorti à l’automne 2018 : Ma course au bonheur. Peut-on faire plus explicite ? Depuis trois ans, l’athlète de bon niveau -sur 800 et 1 500m-, auteure de multiples Iromans et courses de l’extrême (Diagonale des fous, Paris-Brest-Paris à vélo…), est en reconversion. Comprenez par là qu’elle a lâché son poste de commerciale à l’international dans une marque de jouets pour le sport-santé, et plus spécifiquement l’activité physique adaptée (APA). « Quand on sort d’une école de commerce, on croit que le bonheur et la réussite consistent à décrocher le poste de directrice commerciale, avance-t-elle. Ça fait bien sur le papier. Toutes ces croyances se sont effondrées lorsque j’ai regardé ceux qui étaient à ce poste : souvent en déplacement, fatigués, divorcés. Avec de l’argent, certes… » 

Maman dans quelques semaines 

S’il y contribue, l’argent ne fait pas toujours le bonheur. En tout cas pas le sien. Marion a bien tenté d’insister, en acceptant un job similaire dans une boîte de métallurgie. Mais persister aurait été se renier, se conformer aux « conventions sociales ».Alors la jeune femme a mûri son projet professionnel « pendant neuf mois ».Une rencontre avec un enfant de 6 ans atteint de la mucoviscidose l’a bouleversée. « Avec d’autres, nous organisons tous les ans, à Marans (Charente-Maritime), un Ironman pour récolter des fonds en faveur de l’association Vaincre la mucoviscidose. En voyant Jocelynça a été le déclic pour le sport-santé. » Elle qui ne « croit pas au hasard » s’amuse des anecdotes qui suivent. De ce dossier d’inscription envoyé « une semaine trop tard » à la Fac des sports de Poitiers, mais finalement accepté. De ce coup de fil salvateur à une professionnelle de l’APA d’un hôpital parisien. « Elle m’a transmis ce qu’elle avait à me transmettre ! »

Dans quelques semaines, la finisheuse de la Celtman, l’un des Ironmans les plus durs au monde, aura bouclé son master 2 en Ingénierie de la rééducation, du handicap et de la performance motrice. Et accessoirement, elle aura donné naissance à son premier enfant ! De quoi la rendre « heureuse »« Quand vous êtes sur le bon chemin, il vous arrive des choses positives… », renchérit-elle. Et qu’importe si ses proches ne comprennent pas toujours ses choix. « Je sais aujourd’hui qui je suis, ce que j’aime et ce qui me correspond. C’est l’essentiel. » Ce qui vaut dans sa vie professionnelle vaut également dans sa carrière d’athlète. Compétitrice dans l’âme, Marion Delas relativise la portée de ses exploits, à commencer par ses cinq Iroman en cinq jours réalisés mi-juin 2018, toujours à Marans. « Je l’ai fait avec quatre copains, mais je suis la seule à avoir terminé. Ça m’a laissé un goût amer sur la ligne d’arrivée. Je me suis vraiment demandé quel sens donner à cela. J’ai mis au moins quinze jours à publier un article sur mon blog (*)… » On ne l’y reprendra plus. D’ailleurs, elle a abandonné sur un 100 bornes à l’île Maurice où elle était invitée. Qu’on se le dise, Marion Delas fonctionne à l’envie et aux coups de cœur. Il y a dix jours, elle était encore sur son vélo pour une balade de deux heures avec son compagnon rencontré grâce à Blablacar. Loin de Santiago du Chili et de ces larmes finalement fondatrices.

(*) triathlonforfun.com, qui a servi de base à son livre Ma course au bonheur, publié aux éditions Chistera. 15,90€.

 

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